dans le sillage du Roi, qui avait définitivement tourné le dos à sa capitale l’année même du mariage de Madame. Le dernier séjour de Louis XIV à Paris date en effet de 1671. Il en partit le mercredi des Cendres pour n’y plus revenir qu’à de longs intervalles, et sans y coucher ; il évitait même de le traverser ; on remarquait qu’il aimait mieux faire un grand détour, avouant par là qu’il n’avait point pardonné aux Parisiens les barricades de 1648 et sa propre fuite[1], la nuit, sans bagages, par un froid glacial. Après l’éloignement définitif, on le voit, onze ans de suite, faire la navette entre Saint-Germain et Versailles, où il passait des mois entiers à surveiller ses ouvriers ; chasser dans la plaine Saint-Denis et dans le bois de Boulogne, venir jusqu’à Montmartre, et se comporter comme si Paris n’existait pas. C’est un état d’esprit qui méritait d’être signalé. Il confirme ce que l’on savait du caractère rancuneux de Louis XIV. D’autre part, il le montre plus chimérique qu’on ne s’y serait attendu.
Monsieur et Madame habitaient chez le Roi, qu’ils suivaient dans ses déplacemens. Tant pis s’ils n’en avaient pas envie ; le Roi ne les consultait pas. Louis XIV voulait autour de lui des figurans nombreux et de bon air, afin de rehausser la pompe monarchique, et ceux-là étaient irremplaçables, avec leur rang princier et leur grand train. Aussi les tenait-il à la chaîne d’un bout de l’année à l’autre, sauf deux mois de vacances[2]à leur cher Saint-Cloud, — août et septembre, d’ordinaire, — et quelques fugues, çà et là, au Palais-Royal ou à Villers-Cotterets.
En quelque lieu que fût la Cour, une grande princesse commençait sa journée par se donner en spectacle, avant même d’être devenue présentable selon les idées actuelles. Madame suivait l’étiquette. Hommes et femmes affluaient dans sa chambre pour assister à « sa toilette, » sans que l’on puisse préciser à quel moment de la toilette la porte s’ouvrait aux hommes. Elle s’en est expliquée, mais pas de façon claire. Voici les textes. A la tante Sophie : « Le lundi et le jeudi, je me lève à huit heures, les autres jours à neuf ; je fais ma prière et je me lave les mains ; ensuite, je m’habille. Il vient à ma toilette des hommes de la cour, avec lesquels je cause. » A la raugrave Louise : « Je me lève ordinairement à neuf heures et vais où vous devinez. Ensuite, je fais ma prière. Après la prière, je lis