France en dépendît. Madame n’apporta pas moins de passion dans la querelle des ducs et pairs avec les princes allemands. On se disputait le pas depuis des générations. En bonne et fidèle Allemande, Madame ne vit qu’insolence dans les prétentions françaises, fut outrée et ne le cacha point : « Quoique nous autres princesses Palatines, nous ayons, pour ainsi parler, fait les princes les plus puissans du monde, on hésite à admettre ici que nous soyons de bonne maison, et s’il arrive un comte Palatin, le premier gueux de duc venu lui disputera le rang. Souvent cela m’a mise hors de moi. J’en crève dans ma peau[1]… »
Les Allemands invoquaient en leur faveur une façon de droit divin, bien caractéristique de l’époque : « J’ai eu une fois un plaisant dialogue avec le pauvre archevêque de Reims[2]. Il était, comme le sait Votre Dilection, le premier duc et pair. Un jour que nous nous promenions ensemble au Val, près de Saint-Germain, il me dit : — Il me semble, Madame, que vous ne faites pas grand cas de nous autres ducs en France, et que vous nous préférez bien vos princes d’Allemagne. — Je répondis sèchement : — Cela est vrai. » L’archevêque voulut savoir le pourquoi de ce dédain. Madame lui repartit : « C’est le Roi qui vous fait ce que vous êtes… mais pour nos princes d’Allemagne, il n’y a que Dieu, leurs père et mère qui les font, ainsi ne peuvent vous être comparés. — Je crus, ajoute Madame, que le pauvre homme allait crever de dépit ; mais il ne trouva rien à répondre. »
Malgré tant de sujets de plainte, Madame écrivait à son ancienne gouvernante le 10 octobre 1676, quatre semaines après la naissance de sa fille[3] : « Voilà une Liselotte de plus au monde. Dieu veuille qu’elle ne soit pas plus malheureuse que moi, et elle n’aura guère à se plaindre. »
On se rend assez bien compte de l’existence de Liselotte pendant ces années souriantes. Son rang la condamnait à vivre
- ↑ Lettre du 12 octobre 1702, à la raugrave Amélise. Traduction E. Jaeglé.
- ↑ Charles-Maurice Le Tellier, fils de Michel Le Tellier et frère de Louvois. Il venait de mourir. — Lettre à l’Electrice Sophie, du 5 mars 1710. Le passage cité est presque tout entier en français dans l’original.
- ↑ Elisabeth-Charlotte d’Orléans, née le 13 septembre 1676, morte le 23 de décembre 1744.