qui s’est trouvé là. Vers deux heures, on se met à table. Après le repas, il vient des dames ; et cela dure jusqu’à cinq heures et demie. Ensuite arrivent tous les hommes de qualité qui se trouvent à Paris. Monsieur joue alors à la bassette, et je suis obligée de me mettre à une autre table et de jouer aussi… Ou bien j’emmène ce qui ne joue pas à l’Opéra, qui dure jusqu’à neuf heures. En revenant de l’Opéra, il faut encore que je joue jusqu’à dix ou onze heures, et puis on se couche. » Le lendemain, on recommençait, et Liselotte s’ennuyait à périr de cette existence calfeutrée. Elle n’aimait pas le jeu, parce qu’elle perdait toujours, et qu’elle n’aimait pas à perdre son argent.
De peur qu’on ne la plaigne plus que de raison, il est bon de compléter les tableaux qui précèdent. Liselotte avait toujours, pour peu qu’elle le désirât, des heures de liberté, qu’elle employait volontiers à gaminer, et dont elle ne se vante pas à sa tante Sophie, qui voulait que les princesses eussent de la tenue. Elle racontait plus tard à sa sœur Louise les bonnes parties de jeu et les réjouissantes sottises qu’elle avait faites avec son frère Carl-Lutz, âgé alors de quinze ans, quand leur père le lui avait envoyé (1673) pour le pousser dans le monde : « (6 décembre 1721.) J’étais encore très enfant, lorsque je suis venue en France… Avec Carl-Lutz et le petit prince de Eissenach, nous avons fait souvent un tel vacarme, que personne ne pouvait y tenir. Il y avait alors ici une vieille dame, appelée Mme de Fiennes, que nous tourmentions effroyablement. Elle avait peur des coups de feu, et nous lancions continuellement des pétards dans ses jupes. Ça la mettait au désespoir. Elle courait après nous pour nous taper ; c’était le grand plaisir. » Ici encore, Liselotte ne dit pas tout. Mme de Fiennes[1]était une intrigante aux doigts crochus, qui avait pris beaucoup plus d’empire sur Monsieur qu’il ne pouvait convenir à Madame. Celle-ci se vengeait à coups de pétards, et la duchesse Sophie, personne prudente et politique, aurait certainement trouvé le procédé un peu vif.
Fontainebleau était le séjour de prédilection de la jeune princesse : « Je passe très bien mon temps ici, car nous ne faisons que chasser et aller à la comédie et à l’opéra[2]. » Le