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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/865

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Hivers types d’association étant de la compétence des lois organiques.

Or, les intérêts économiques étant les plus importans à bien gérer, et les lois économiques relatives à l’organisation des sociétés industrielles et commerciales, types de sociétés contractuelles avec délégation civile, ayant été élaborées par ceux qui auront l’intérêt le plus direct à ce qu’elles soient bonnes, il est vraisemblable que ces lois seront faites de manière à ce que l’association puisse produire tous ses fruits dans l’industrie et le commerce. Pour qu’il en soit de même dans tout le domaine des coopérations, — professionnelles, scientifiques, religieuses, philanthropiques ou autres, — il suffit, de supprimer l’obligation d’un but de lucre pour l’emploi de la forme commerciale[1],

  1. On conçoit facilement que l’on s’associe en anonyme, en coopérative, ou autrement, pour réaliser un but quelconque, — la première exploitation des inventions, par exemple — où, au lieu de retirer de l’argent, il faudra, on le sait d’avance, en remettre. Et en supprimant l’obligation du but de lucre, pourquoi ne pourrait-on appliquer les diverses formes actuelles des sociétés commerciales à tous autres buts dont la réalisation nécessite des sacrifices constans ? C’est la puissance de l’habitude qui, seule, nous empêche de le concevoir aisément.
    Envisageons ici quelques exemples, afin de montrer que notre opinion n’a rien que de logique.
    Qu’est-ce qu’une usine ? C’est un établissement dans lequel des spécialistes produisent une certaine catégorie d’objets pour les vendre à des consommateurs, soit avec bénéfice, soit avec perte.
    Qu’est-ce qu’un journal ? Un établissement dans lequel des spécialistes produisent de l’information pour la vendre à des consommateurs, soit avec bénéfice, soit avec perte.
    Qu’est-ce qu’une école, un hôpital, un cercle d’agrément, une association cultuelle, une mutualité, un syndicat professionnel ? Des établissements dans lesquels des spécialistes produisent de la science, de la santé, du plaisir, des services cultuels, un certain genre de sécurité, un autre genre de sécurité économique, afin de les vendre à des consommateurs soit avec bénéfice, soit avec perte ou encore sans l’un ni l’autre.
    Et ainsi de suite…
    Entre ces diverses industries, le philosophe, le juriste, l’économiste ne doivent distinguer aucune différence de principe. (Voyez à ce sujet Charles Dunoyer, De la Liberté du Travail, livre V, § 3, 4, 5.)
    Notons ici que la « commercialisation » de tous genres d’entreprises par association aurait pour conséquence directe et certaine la « commercialisation du travail, » c’est-à-dire le transport des groupemens syndicaux du terrain des intérêts politiques sur celui des intérêts économiques. Cette mise en œuvre de la conception des Sociétés commerciales ou anonymes de Travail, — conception qui se trouvait en germe dans l’idée énoncée, dès 1842, par M. Gustave de Molinari que « le travail devrait se vendre en gros, » et dont la formule, dégagée par M. Yves Guyot de la solution générale que nous exposons, a été théoriquement et pratiquement établie par lui dans son livre sur les Conflits du travail et leur solution, — serait, par le fait même la solution simple, pratique, rationnelle et vraiment libérale de l’importante question du contrat collectif de Travail, et aussi, sans doute, de celle du syndicalisme envisagée dans sa généralité. Elle permettrait la réalisation par les salariés, dans les meilleures conditions souhaitables, de toutes les expériences dont il est fréquemment question, telles que participation aux entreprises, participation aux bénéfices, etc. — Ceci, bien entendu, à titre de remarque, et sans préjuger de la valeur qu’il convient d’attribuer à ces dernières combinaisons.
    Nous avons proposé l’organisation légale de groupemens professionnels sous la forme commerciale dans notre rapport au Congrès international de Législation douanière et de Réglementation du travail, tenu à Anvers en 1897, pour répondre à la question : Quelle est la meilleure organisation des Unions professionnelles ?