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VI

L’histoire des origines du Congo explique pourquoi nos derniers commissaires généraux durent s’attacher opiniâtrement à d’ingrates besognes de comptables. Ils y ont d’ailleurs fort bien réussi ; les diverses colonies qui composent le Congo possèdent des caisses de réserve confortablement garnies, et la subvention métropolitaine, sur laquelle la colonie a longtemps vécu, n’est plus une libéralité indispensable. En 1906, les douanes ont donné près de trois millions de francs, et cette somme, qui rassemble des taxes à l’exportation et à l’importation, constate l’essor des Sociétés concessionnaires.

Elle pourra croître encore, mais c’est surtout à l’impôt indigène que le Congo devra demander des complémens de revenus. Ici se pose une des questions les plus délicates de notre politique en Afrique : les premiers explorateurs, en effet, avaient inauguré le système des cadeaux pour se concilier la bonne volonté des indigènes ; il n’était guère possible alors, avec les moyens très réduits dont ils disposaient, de réclamer de ces populations autre chose que la liberté du passage, fût-ce en acquittant aux mains des chefs une sorte de pension. Mais l’occupation définitive ne peut vivre de ces procédés provisoires ; il faut en effet amener progressivement les indigènes à contribuer aux frais d’une administration qui leur assure la paix, aux dépenses de travaux publics qui ouvriront leur pays à des initiatives nouvelles. Le Congo français ne saurait se passer d’un budget robuste, et ce budget n’a de ressources extensibles que dans la diffusion de l’impôt indigène.

Voilà comment M. Gentil, commissaire général, fut conduit à faire une politique surtout fiscale, qui non seulement contrariait les instincts paresseux des indigènes, mais marquait une réaction, très sensible à ces noirs, sur les anciennes largesses des explorateurs. L’impôt indigène n’a donc été établi qu’avec beaucoup de prudence : il ne dépasse pas actuellement le taux très modéré de 3 francs par tête, dans les régions entièrement administrées. Les arrêtés administratifs prévoient le cas où des groupes d’indigènes refuseront le paiement de l’impôt, qui est admis cependant en marchandises ou en travail partout où il