d’intermédiaires dont Mme de Kergorlay sera la dernière. Enfin, je vous remercie encore du fond du cœur.
Je suis sensible au reproche que vous me faites de ne pas répondre directement à toutes vos questions. Sans nul doute, cela sera. Mais je dépends beaucoup de la veine d’observations dans laquelle je suis placé, au moment où je prends la plume pour vous écrire, et quand je les crois propres à vous intéresser, j’écris sans choix. Je vous assure que je suis accablé sous les richesses ici et puissamment intéressé. Il en résulte, dans ma pensée, beaucoup de désordre. Je sens qu’avec vous je me répète, je ne classe pas bien. Peut-être aussi m’arrive-t-il de vous écrire deux fois la même chose parce que j’oublie que vous l’avez déjà, croyant l’avoir donnée à un autre. Ce sont là les inconvéniens du travail de mineur, beaucoup d’incohérences. Mais voici quelque chose qui me tourmente encore plus, c’est le reproche que vous me faites sans cesse d’endormir des gens qui ne sont déjà que trop somnolens. Si je les endors, ce n’est pas en les caressant, toutefois. Mérimée m’écrit que l’on voudrait me manger et qu’on parle de me brûler. Maury, votre bibliothécaire de l’Institut, m’assure qu’il m’a très maltraité dans un article de l’Athenæum, et me dit, avec la bienveillance amicale qui est le fond de son humeur, tous les gros mots possibles et ainsi de suite. Si je suis un corrupteur, je le suis avec des corrosifs et non pas avec des parfums. C’est qu’au fond, soyez-en sûr, il n’y a rien de cela dans mon livre. Je ne dis pas aux gens : vous êtes excusables ou condamnables, je leur dis : vous mourez. Loin de moi l’idée de prétendre que vous ne pouvez pas être conquérans, agités, transportés d’activités intermittentes, loin de moi de vous empêcher de le faire ou de vous y pousser. Cela ne me regarde nullement. Mais je dis que vous avez passé l’âge de la jeunesse, que vous avez atteint celui qui touche à la caducité. Votre automne est plus vigoureux, sans doute, encore que la décrépitude du reste du monde, mais c’est un automne, l’hiver arrive, et vous n’avez pas de fils. Fondez des royaumes, des grandes monarchies, des républiques, ce que vous voudrez, je ne m’y oppose pas, tout cela est possible. Allez tourmenter les Chinois chez eux, achevez la Turquie, entraînez la Perse dans votre mouvement, tout cela est possible, bien plus, inévitable. Je n’y contredis pas, mais, au bout de compte, les causes de votre énervement s’accumulent et s’accumuleront par toutes ces actions