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ne profitent pas, ce qui ne les dispense pas de pourvoir à l’entretien de leur propre culte, lequel ne peut être entretenu que par leurs libres offrandes. Il y a là une choquante inégalité. Et il importe peu que l’accroissement de la population catholique du canton soit dû à peu près exclusivement à l’immigration, et qu’en conséquence il n’y ait encore que 9 000 catholiques environ qui soient électeurs sur plus de 26 000 inscrits. Parmi les immigrans catholiques qui arrivent incessamment de la Savoie, du pays de Gex et des cantons du Valais et de Fribourg, il est inévitable que beaucoup fassent souche et s’établissent définitivement dans le canton de Genève. Ceux-là, ou tout au moins leurs descendans, finiront bien par y acquérir droit de cité. On peut donc prévoir que dans un délai plus ou moins rapproché les catholiques y seront les maîtres. La prudence, par conséquent, aussi bien que le souci de l’équité commandait aux protestans qui dirigent l’Etat de faire la séparation quand ils la pouvaient faire encore dans des conditions acceptables pour leurs coreligionnaires. En outre, il devenait de plus en plus difficile de maintenir sur les rôles du budget les prêtres vieux-catholiques, qui n’ont presque plus de fidèles, et il semblait plus difficile encore de séparer de l’Etat l’une des deux Eglises dites nationales sans toucher à l’autre. Il n’y avait donc, ou du moins M. Fazy ne voyait à un état de choses si anormal qu’une issue : la séparation.

Il y pensait depuis longtemps. Dès 1880, il la proposait au grand Conseil, et le grand Conseil la votait par 54 voix contre 46, après quinze mois de discussions passionnées. Il recevait même à cette occasion un télégramme enthousiaste de Victor Hugo. Son projet, assez semblable dans ses grandes lignes à celui qui vient d’être adopté, n’en échoua pas moins, au référendum, à une majorité énorme. Bien avant M. Fazy, la question de la séparation avait été posée, mais non résolue, en 1855, par M. Duchosal, en 1871 par M. Thomel. En 1898, elle fut reprise par les socialistes, mais dans des conditions moins libérales que celles du projet Fazy, par conséquent moins acceptables. La proposition socialiste, votée par le grand Conseil, fut rejetée par le corps électoral, toutefois à une moindre majorité. L’idée faisait son chemin, tout doucement, dans le peuple. Elle ne devait triompher tout à fait qu’après avoir pris corps dans un projet non pas dû à l’initiative individuelle, comme ceux de 1855, de 1871,