Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/915

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au grave conflit dont fut précédé ce Kulturkampf. Et j’ose dire, encore que ces documens, s’ils ne justifient certainement pas les violences dont le clergé et les catholiques demeurés fidèles au Saint-Siège furent alors victimes dans la république de Genève, contribuent à les expliquer. Loin de moi, ai-je besoin de m’en défendre, la pensée d’amnistier les persécuteurs ! Mais comment les jugerait-on avec impartialité, si l’on ne voulait pas connaître les difficultés avec lesquelles ils se sont trouvés aux prises avant de décréter les lois odieuses qui viennent d’être abrogées ?

L’abbé Mermillod avait été nommé curé de Genève, par Mgr Marilley, évêque de Lausanne et Genève, résidant à Fribourg, en 1864. En même temps, Pie IX l’avait nommé auxiliaire de Mgr Marilley avec le titre d’évêque d’Hébron, et dès le 5 juillet 1865, le Pape faisait savoir à Mgr Marilley qu’il eût à ne plus s’occuper du canton de Genève dont l’administration incomberait seule désormais à Mgr Mermillod. Il s’agissait bien, dans la pensée de Pie IX, de rétablir, du moins en fait, un évêché à Genève, et il n’est d’ailleurs pas douteux que le Souverain Pontife, en agissant ainsi, était uniquement préoccupé des intérêts religieux de ce canton. Il n’en est pas moins vrai que le l’établissement d’un évêché à Genève était contraire aux arrangemens librement souscrits par Pie VII en 1819, puisqu’il résultait de ces arrangemens que l’évêque ayant juridiction sur le canton de Genève ne devait résider ni à Genève ni même dans le canton. C’est le P. Tarquini qui, dans son Traité du Droit public de l’Eglise, a donné cette singulière définition des concordats : « Des lois ecclésiastiques particulières faites par l’autorité du Souverain Pontife, pour un État ou un royaume, sur les instances du chef de cet État et entraînant pour le prince l’obligation, qu’il a contractée, de les observer régulièrement. » D’après cela, les concordats, et à plus forte raison des arrangemens moins solennels comme ceux de 1819, n’entraîneraient pour l’État contractant que des devoirs, et laisseraient intacts tous les droits inhérens à la charge apostolique. Je ne crois pas que cette doctrine ait beaucoup d’adeptes dans l’Eglise elle-même. Mais il est évident qu’aucun État ne s’en voudrait accommoder.

J’en viens maintenant aux faits. Un débat, d’ailleurs par lui-même insignifiant, s’ouvre à la fin de l’année 1871, au sujet d’une circonscription paroissiale à modifier. Le conseil d’État s’adresse à Mgr Marilley, lequel renvoie naturellement l’affaire à