Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notre avantage d’avoir sur le flanc occidental de notre domaine un royaume en progrès matériel et moral, et par cela même plus capable de maintenir son indépendance, moins disposé à accepter certaines ingérences. Il nous serait ainsi commandé par notre intérêt bien entendu de favoriser le développement du Siam avec la sympathie sincère que son attitude nous avait momentanément obligés à lui mesurer. »

Dans leur raccourci volontaire, ces lignes contenaient tout un programme de politique, et c’est précisément cette politique que vient de réaliser le nouveau traité. L’habileté de nos négociateurs a utilisé un concours de circonstances favorables, circonstances générales et particulières de lieu, de moment, de fait et de personnes, d’une part en nous accommodant aux nécessités nées de la rupture d’équilibre que la fortune prodigieusement rapide du Japon a produite ; de l’autre en profitant des opportunités que nous offrait l’entente cordiale avec la Grande-Bretagne, dont l’hostilité ou la mauvaise volonté nous a causé tant de soucis et même nous était devenue, à un certain moment, des plus dangereuses. Enfin, nous avons pu disposer des services et de l’expérience acquise, et bénéficier de l’intelligence ouverte de plusieurs agens ou fonctionnaires français et étrangers, soit à Paris, soit à Bangkok, ainsi que de la présence à la tête de la commission de délimitation constituée à la suite du précédent traité, d’un officier distingué, au courant des données multiples du problème, M. le lieutenant-colonel Bernard.

Le roi de Siam et ses conseillers princiers eux-mêmes se montraient déjà disposés à comprendre les avantages d’une politique de sincérité et de confiance substituée à la défiance et aux intrigues dont nous avons les uns et les autres longuement souffert. Mais ils semblent avoir subitement reçu l’illumination de périls assez apparens et d’un caractère assez pressant pour emporter leurs dernières hésitations. Dès lors, ils se sont décidés à traiter. Cette résolution prise, le roi Chulalongkorn a pu s’embarquer sans inquiétude pour faire en Europe le voyage qu’il avait depuis quelque temps le désir d’entreprendre, et qui donne à la France l’occasion de saluer en sa personne un prince qui a désormais pour ambition nécessaire le progrès de ses États par la mise en commun de nos moyens d’action, de nos ressources matérielles et de notre puissance effective.

Le temps est passé où nous aurions pu résoudre autrement