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la question du Siam, mais il n’est pas inutile de rappeler pourquoi il ne nous a pas été possible, pendant de si longues années, d’obtenir un résultat analogue à celui que nous venons d’atteindre.

Le Siam pourtant, la seule des royautés de quelque importance au-delà du Gange qui ait réussi, en dehors de la Chine, à maintenir son indépendance contre les entreprises européennes, n’a survécu que grâce à notre arrivée sur le champ des compétitions extrême-orientales. Tous les États de l’ouest de l’Indo-Chine ayant succombé au contact britannique, il n’est pas douteux que, sans notre débarquement à Saigon en 1859 et sans l’extension de notre domination au Cambodge en 1803, le Siam eût été infailliblement englobé dans l’orbite conquérante de l’Angleterre dont il subissait déjà la puissante attraction. Si quelques enthousiastes irréfléchis ont cru possible de planter notre drapeau sur les rizières et les pagodes du delta du Ménam, jamais aucun gouvernement français, ni aucun de ses agens responsables n’ont nourri une idée aussi chimérique : nos rivaux s’en rendaient pertinemment compte, tout en utilisant à leur profit les manifestations mégalomanes d’une presse ignorante. En réalité, nous avons toujours travaillé au maintien de l’autonomie du Siam ; et c’est un succès méritoire d’y avoir réussi, en présence des forces supérieures de la Grande-Bretagne, s’appuyant sur une base commerciale alors incomparable, sur sa suprématie navale, sur son armée de l’Inde, et sur l’état divisé de l’Europe continentale. Je n’éprouve d’ailleurs aucune hésitation à reconnaître qu’il a fallu à nos voisins une sagesse supérieure et une modération exemplaire pour ne pas céder à la tentation d’étendre la main sur une proie si riche, dont l’absorption n’eût soulevé après 1870 aucune difficulté insurmontable, surtout s’ils s’étaient contentés de l’établissement d’un de ces régimes de protectorat qu’ils excellent à graduer suivant les exigences de leur politique générale. C’est bien à nous que le Siam doit d’avoir traversé impunément une phase aussi critique.

Nous n’avions cependant aucun droit à compter sur sa reconnaissance. En effet, par suite d’un « faux départ » dans nos relations avec lui, jamais, depuis 1863, date de l’inauguration de notre protectorat sur le Cambodge, et moins encore depuis 1867, date de notre premier traité politique avec la cour de Bangkok, nous