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pour lequel il fut saigné soixante-quatre fois en huit mois par ordre de Monsieur son père et de M. Bouvard son beau-père. Après avoir été tant de fois saigné, on commença à le purger… » Et il dit leur fait aux « idiots » qui n’apprécieraient pas la beauté de cette médication. Un M. Mantel, malade d’une fièvre continue, en fut quitte pour être saigné trente-deux fois. Patin traite un jeune gentilhomme âgé de sept ans, qui était tombé dans une grande pleurésie. Son tuteur haïssait fort la saignée. « Je ne pus opposer à cette haine qu’un bon conseil qui fut d’appeler encore deux de nos anciens MM. Seguin et Cousinot. Il fut saigné treize fois. » Patin saigne pour un rhumatisme, pour une fièvre, pour un rhume ; il saigne les octogénaires et les enfans au berceau ; il opère sur les siens et il opère sur lui-même. Car sa conviction est inébranlable : il a dans l’opinion de ses anciens une foi aveugle ; et il ne fait aucune difficulté de déclarer que si le malade meurt dans les règles, c’est donc sa faute et non celle de la Faculté. Thomas Diafoirus vous invitait à venir voir, pour vous divertir, la dissection d’une femme sur quoi il devait raisonner. Gui Patin écrit, tout gonflé de satisfaction paternelle : « Mon fils Charles explique l’anatomie dans nos écoles sur un cadavre de femme. Il y a une si grande quantité d’auditeurs, que, outre le théâtre, la cour en est encore toute pleine. Il commence bien, à vingt-six ans ! » Gui Patin ne tarit pas contre l’émétique, le quinquina, l’antimoine — et le thé ! S’il ne prend pas absolument parti contre la circulation, il la tient pour négligeable. Ne lui parlez pas des médecins de Cour ! Molière les a ridiculisés ; c’est pourquoi Gui Patin considérera Molière moins comme un adversaire que comme un allié : « On joue présentement à l’Hôtel de Bourgogne l’Amour malade ; tout Paris y va en foule pour voir représenter les médecins de la Cour, et principalement Esprit et Guénaud, avec des masques faits tout exprès. On y a ajouté des Fougerais, etc. Ainsi on se moque de ceux qui tuent le monde impunément. » Et il est bien exact que Molière a été moins féroce que Gui Patin lui-même contre beaucoup des confrères de Gui Patin. Le satirique n’en a pas tant dit que le médecin contre les chirurgiens, les chimistes et les apothicaires.

On n’imagine pas la puissance d’invectives dont Gui Patin est capable, quand il s’agit de dénoncer les fauteurs « d’impertinentes nouveautés, » c’est-à-dire tous ceux qui ont fait faire un progrès à la science médicale. Savourez ce portrait : « C’était un méchant pendard flamand qui est mort enragé depuis quelques mois. Il n’a jamais rien fait qui vaille. J’ai vu tout ce qu’il a fait. Cet homme ne méditait qu’une médecine toute de secrets chimiques et empiriques, et pour