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la renverser plus vite, il s’inscrivait fort contre la saignée, faute de laquelle pourtant il est mort frénétique. » C’est van Helmont !… Et goûtez cette oraison funèbre : « Il se fit préparer un émétique qu’il prit, le vendredi au soir, dans l’opération duquel il mourut le lendemain matin : Sic impuram vomuit animant impurus ille nebulo, in necandis hominibus exercitatissimus. Comme on lui parla, ce même vendredi, d’être saigné, il répondit qu’il aimait mieux mourir que d’être saigné. Aussi a-t-il fait. Le diable le saignera dans l’autre monde, comme mérite un fourbe, un athée, un imposteur, un homicide, un bourreau public tel qu’il était ; qui, même en mourant, n’a eu non plus de sentiment de Dieu qu’un pourceau duquel il imitait la vie et s’en donnait le nom. Comme un jour il montrait sa maison à des dames, quand il vint à la chapelle du logis, il leur dit : Voilà le saloir où l’on mettra le pourceau quand il sera mort, en se montrant. » C’est Guy de la Brosse !… Même opiniâtreté contre ceux qui mettent en péril les privilèges de la Faculté. Renaudot était de ceux-là, avec son bureau d’adresses agrémenté d’un cabinet de consultations. Le procès que soutint et que gagna Gui Patin contre Renaudot est une des pages de son histoire dont il aime à se souvenir. Il plaida lui-même, et prononça sans préparation une harangue qui ne dura pas moins de sept quarts d’heure. Mais c’est qu’il était tout plein de son sujet. Dans ces luttes contre l’ennemi commun, il ne s’arrête pas même à la limite où l’injustice commence à devenir cruauté. Il trouve tout simple de poursuivre le vaincu jusque dans ses enfans. Les fils de Renaudot attendent depuis quatre ans le bonnet de docteur : ils attendront encore ! Et ici on se demande si l’on doit davantage le haïr ou l’admirer pour l’approbation dont il couvre cet affreux ostracisme. Car il ajoute : « Tous les hommes particuliers meurent, mais les Compagnies ne meurent point. Le plus puissant homme qui ait été depuis cent ans en Europe, sans avoir la tête couronnée, a été le cardinal de Richelieu. Il a fait trembler toute la terre : il a fait peur à Rome ; il a rudement traité et secoué le roi d’Espagne ; et néanmoins il n’a pu faire recevoir dans notre Compagnie les deux fils du gazetier qui étaient licenciés et qui ne seront de longtemps docteurs… » Dans ce dévouement aveugle aux intérêts de la Compagnie où il s’absorbe, dans ce respect mystique pour un être de raison plus fort que les puissances de chair, le superbe se mêle à l’atroce. Il y a dans cet entêtement une sorte de grandeur.

À cette vigueur de haine, à cette brutalité de style, vous reconnaissez un homme d’un autre âge, et qui, à l’heure même où il écrit,