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été donné à Toulon : il a été exécuté avec promptitude et n’a pas tardé à produire ses effets.

Ces effets semblent bien avoir dépassé, en intensité et en rapidité, ce qui avait été prévu : mais à qui la faute ? Notre but était double : nous avions à protéger la sécurité de tous les étrangers, à quelque nationalité qu’ils appartinssent, et à exiger une réparation éclatante des actes sanglans qui avaient été accomplis. Au moment où nos premiers navires sont arrivés à Casablanca, la sécurité des Européens courait un sérieux danger ; on s’est empressé d’en embarquer le plus qu’on a pu ; mais les consuls européens sont tous restés courageusement à leur poste, et, pendant quelques heures, leur vie a tenu à un fil. Il fallait, pour les protéger, débarquer des troupes : malheureusement nous n’en avions encore que fort peu. Le gouverneur de la ville et le commandant des forces militaires, Moulaï-el-Amin, oncle du Sultan, voyant que les choses prenaient une tournure très grave, s’entendirent avec les autorités militaires françaises pour faciliter l’opération, et donnèrent l’assurance formelle que les troupes qui débarqueraient n’avaient rien à craindre. Ils étaient sans doute de bonne foi ; nous ne supposons pas qu’ils aient assumé de gaité de cœur une responsabilité écrasante ; mais, soit qu’ils eussent mal pris leurs mesures, soit que leur autorité ne fût déjà plus respectée, leur parole est restée lettre morte. Quand les soldats français se sont présentés devant elles, les portes de la douane se sont brusquement fermées et les coups de fusil sont partis : plusieurs de nos hommes et un de nos officiers ont été blessés. L’agression est incontestablement venue du côté marocain, et on a constaté parmi ses auteurs la présence de soldats réguliers du Maghzen. Aucune hésitation n’était permise. Nos navires devaient protéger les mouvemens de nos soldats descendus à terre, et c’est ce qu’ils ont fait en ouvrant le feu sur Casablanca. Au bout d’un certain temps, le gouverneur et le commandant militaire, épouvantés, ont demandé que le bombardement cessât : ils ont promis de donner toutes les satisfactions qui seraient exigées, et ils ont effectivement livré à notre consul, couverts de chaînes, les soldats marocains qui avaient traîtreusement tiré sur les nôtres. On aurait pu croire, à ce moment, que l’affaire était terminée : il n’y a même pas eu un point d’arrêt. Ce qui montre bien que l’événement ne s’était pas produit d’une manière spontanée et qu’il avait, au contraire, été préparé de longue main, c’est que des groupes venus des tribus voisines apparaissaient dans la campagne et marchaient toujours plus nombreux sur Casablanca. Le Pacha, de plus en