Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/959

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faut noter au passage. L’empereur de Russie est notre allié, le roi d’Angleterre est notre ami très intime : nous sommes enchantés de les voir avec l’empereur d’Allemagne en bons ou en meilleurs termes. Si ces rencontres influent sur la politique générale, ce ne peut être qu’en bien, c’est-à-dire dans le sens de la paix, ou plutôt de l’apaisement des esprits, car la paix n’est point en danger : et, en vérité, après avoir imprimé à l’Europe tant de secousses pour le moins-inutiles, puisqu’elles n’y ont rien changé à rien, il serait bien temps de lui rendre un peu de repos ! La lecture de ses journaux permet de croire que c’est l’opinion d’une partie notable de l’Allemagne : est-ce aussi celle de son gouvernement ?

La presse n’est pas toujours et partout le reflet exact des intentions des gouvernemens. En Espagne, par exemple, quelques journaux ont publié des articles qui, étant donnés non seulement les rapports mais les engagemens réciproques du gouvernement espagnol et du gouvernement français, pouvaient au premier aspect causer un peu de surprise. Mais ce sont là choses légères, sur lesquelles il n’y a pas lieu d’insister. L’attitude du gouvernement de Madrid a été, nous n’en doutons pas, ce qu’elle devait être, et, au surplus, la participation espagnole à la répression de Casablanca a été digne d’un pays naturellement héroïque et chevaleresque. L’Espagne a de vieilles traditions au Maroc ; elle ne saurait se désintéresser de ce qui s’y passe, et, si elle s’y intéresse, elle ne saurait le faire que dans des conditions dignes d’elle. Quant à l’Angleterre et à l’Italie, elles ont approuvé sans restriction ce que nous avons dû faire à Casablanca, fidèles en cela, comme nous pouvions nous y attendre, aux intérêts généraux de la civilisation dans la Méditerranée, aux échanges de vues que nous avions eues autrefois avec elles et aux engagemens que nous avions pris en commun.

Certains journaux, non seulement à l’étranger mais en France même, disent volontiers que, bon gré mal gré, nous ne pourrons pas nous arrêter dans la voie où nous sommes entrés et que nous serons entraînés beaucoup plus loin que ne portent les canons de Casablanca. Sans doute, un gouvernement aventureux pourrait se laisser engager dans une aventure ; mais ce n’est pas le caractère du nôtre ; et nous sommes convaincus que, s’il fait tout le nécessaire, il ne fera rien de plus. Un journal autrichien a déjà déclaré que nous irions à Fez. Nous ne sommes même pas allés jusqu’à Marakech lorsque le docteur Mauchamp y a été assassiné : nous nous sommes contentés d’aller à Oujda, marche infiniment plus facile. Ce serait folie