de notre part, il faut le dire très haut, de vouloir pénétrer militairement au Maroc : nous risquerions d’y rencontrer, indépendamment des difficultés inhérentes à une pareille entreprise, des oppositions avec lesquelles nous devrions compter tôt ou tard. Le mandat que nous avons, avec l’Espagne, reçu à Algésiras consiste à organiser la police dans les ports : nous ne savons ce que sera l’avenir, mais pour le moment nous devons borner à cela notre effort. Dans ces limites, il sera certainement efficace. Nous avons une base d’opérations très sûre, qui est la mer : on ne peut pas nous y surprendre, nous y entourer, nous y couper nos communications avec nos sources de ravitaillement, nous empêcher d’y recevoir des renforts. Nous ne sommes maîtres sur terre qu’aussi loin que peuvent aller nos troupes de débarquement sans perdre le contact immédiat avec la flotte ; mais cela suffit pour ce que nous avons à faire, et quand les Marocains nous verront solidement établis dans un de leurs ports, ou dans plusieurs s’ils nous obligent à en occuper plusieurs, ils seront bien obligés de composer avec le fait accompli. L’épreuve durera plus ou moins longtemps : le résultat du moins n’en est pas douteux. Dès lors, notre œuvre demande surtout de la fermeté et de la patience, et il sera facile, pour peu que le gouvernement y tienne la main, de nous abstenir de toute imprudence.
Si nous commettions celle d’entrer au Maroc, nous y userions nos forces : si nous restons sur la côte, appuyés sur la mer, et si les bandes marocaines cherchent à nous en déloger, elles y useront les leurs, et leur résistance viendra peu à peu expirer devant notre parti-pris d’immobilité. D’une manière ou d’une autre, les ports du Maroc resteront acquis à la civilisation. Sa principale frontière de terre lui est commune avec l’Algérie, c’est-à-dire encore avec la civilisation. Dans ces conditions on peut beaucoup attendre du temps, et si toutes les autres puissances le comprennent comme nous, si elles ne nous pressent pas plus que nous, si enfin elles nous laissent faire, l’Espagne et nous, le but qu’elles se sont proposé à Algésiras sera atteint. Nous avons prouvé que nous ne voulions rien faire en dehors d’elles, et que nous entendions jusqu’au bout rester d’accord avec elles. Si nous jouons le rôle principal, c’est que la force des choses nous y oblige, que nous sommes à Toulon, à Alger, à Oran, enfin que nos intérêts particuliers sont, cette fois encore, si étroitement liés à ceux du monde civilisé, qu’il est impossible de les en distinguer.
La situation du Midi est toujours embrouillée : elle l’est même, en