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« demeure toute sa vie si ignorant des élémens mêmes de notre langue qu’il n’a jamais pu écrire deux mots sans les défigurer par une orthographe vraiment fantastique… »

J’ai retrouvé dans une édition des œuvres de Voltaire, de 1825, une note de l’éditeur Clogenson, rappelant qu’on avait offert néanmoins un siège à l’Académie à Maurice de Saxe. « Etonné d’un tel honneur, il écrivit dans une lettre : « Ils veule[1]me fere de la Cadémie, sela miret comme une bage a un chas. »

Si cette orthographe est vraie, n’est-elle pas d’une originalité que le maréchal a exagérée volontairement et à plaisir, ayant mieux aimé paraître tout à fait ignorant qu’à moitié savant ?

Quoi qu’il en soit, les services rendus en Flandre par le maréchal de Saxe avaient été tels que le commandement de l’armée de Flandre, pour la campagne qui allait s’ouvrir en 1745, devait lui revenir. Louis XV n’hésita pas à lui donner ce commandement, et annonça qu’il l’accompagnerait à l’armée.

Jamais entrée de campagne ne s’ouvrit plus gaiement, dit le duc de Broglie, à la cour, à la ville, à l’armée. Elle ressemblait à une partie de plaisir : « La suite[2]répondant à de si heureux présages devait conserver jusqu’au bout la même apparence ; et malgré beaucoup de sang versé et les plus sérieux faits d’armes, le souvenir de cette brillante année 1745 retentit encore à travers l’histoire comme une joyeuse fanfare. »

Le rendez-vous des officiers supérieurs chargés d’un commandement était Valenciennes. Maurice y arriva le 15 avril, en compagnie, dit un auteur allemand, de femmes d’une société douteuse. Dès le 18, on fut obligé de lui pratiquer une ponction qui donna cinq pintes d’eau.

Tournai fut rapidement investi, à la grande surprise des alliés. Le commandement de leur armée venait d’être donné, sur la demande des Anglais, au fils du roi George, à peine âgé de vingt-deux ans, le duc de Cumberland qui s’était déjà distingué à Dettingen. Le jeune généralissime était plein d’assurance : il comptait bien, après avoir battu les Français sur l’Escaut, pendant que l’autre armée alliée battrait Conti sur le Rhin, marcher droit sur Paris : « J’y serai[3], disait-il, ou je mangerai mes bottes. »

  1. Voltaire, Siècle de Louis XV, ch. XV. Baudouin, 1825, p. 148.
  2. Marie-Thérèse, Ier vol., p. 374.
  3. Id., ibid., p. 385.