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Louis XV rejoignit l’armée le 8 mai, à Tournai, dont le maréchal de Saxe avait commencé le siège. Il visita aussitôt les tranchées, quoique le maréchal eût porté le gros de ses forces sur la route de Mons, pour y attendre le duc de Cumberland, tout en continuant le siège.

Ces dispositions étaient vivement critiquées par l’entourage du Roi et même par celui de Maurice. On prétendait que le maréchal « baissait. » On le montrait obligé de cesser de monter à cheval, et se faisant traîner dans une petite voiture d’osier[1], « ridiculement affublé d’un justaucorps de taffetas matelassé, qui lui tenait lieu de cuirasse. »

Les explications du général en chef ne tardèrent pas à rassurer le Roi, à lui montrer que les mesures prises étaient bien conformes à la situation, et à le convaincre que le mal du maréchal n’influait pas sur sa tête. Profitant d’un moment où il était entouré de groupes nombreux et bruyans, il dit à haute voix : « Monsieur le maréchal[2], en vous confiant le commandement démon armée, j’entends que tout le monde vous obéisse ; et je suis ici pour en donner l’exemple. »

Pendant la soirée qui précéda la bataille, le Roi frappa son entourage par sa gaieté. Au dire du marquis d’Argenson, il chanta même plusieurs couplets. Le maréchal passa la nuit devant le camp, dans sa voiture d’osier, donnant ses derniers ordres.


IV

Pendant la bataille, continue le duc de Broglie, le Roi se porta à la Chapelle de Notre-Dame-aux-Bois, sur une éminence surmontée d’un moulin à vent. Tout autour stationnaient sa Maison, les carabiniers et les gendarmes. Il était plein d’entrain. « Jamais[3], disait-il, depuis Poitiers, un roi de France n’a regardé les Anglais en face ; il faut espérer que cette fois tout se passera mieux. »

Au moment où se déroula la première phase de la bataille, l’attaque infructueuse des Hollandais contre Antoing, le Roi et

  1. Marie-Thérèse, Ier vol., p. 392.
  2. Id., ibid., p. 393.
  3. Id.. ibid.. p. 398.