à bras, car le terrain était impraticable aux chevaux… Des files entières tombèrent sous les boulets français ; mais rien n’arrêta les valeureuses colonnes qui apparurent bientôt au sommet de la crête…
Le duc de Broglie nous rappelle ici l’épisode émouvant des gardes-françaises si bien raconté par Voltaire ; il continue en nous montrant que, tout en s’avançant énergiquement, les troupes anglaises s’'taient resserrées et formaient une masse compacte. Il cite même sur cette formation l’explication donnée par le roi Frédéric, dans l’Histoire de mon temps[1] : « Sous le feu croisé du village et des redoutes, les flancs de la troupe anglaise souffrirent et se retirèrent : son centre, qui en souffrit moins, continuait à s’avancer, et comme ses ailes se repliaient en arrière, son corps prit une forme triangulaire, qui par la continuation du mouvement du centre et par la confusion se changea en colonne… »
Attaquée de toutes parts, avec vaillance, par les régimens français, mais sans ensemble, la lourde colonne anglaise s’avançait lentement, imperturbablement, vomissant le feu de tous les côtés à la fois…
Avant tout, il importait pour le maréchal de Saxe de gagner du temps, afin de remettre de l’ordre dans les troupes et de recommencer l’attaque de cette masse inébranlable. La cavalerie, tenue en réserve jusque-là, remplirait ce rôle. Mais, auparavant, il fallait mettre le Roi en sûreté. Le maréchal le fit prier de repasser l’Escaut, en l’assurant qu’il penserait à tout. Le Roi répondit : « Je ne doute pas qu’il fasse ce qu’il faudra ; mais je reste où je suis. »
Le maréchal n’insista pas. Il monta à cheval lui-même et donna le signal destiné à ébranler la cavalerie. Alors les charges succédèrent aux charges avec une merveilleuse intrépidité. Plusieurs escadrons revinrent, tout meurtris, huit fois à l’attaque. Hélas ! un seul réussit à aborder les Anglais : il était commandé par le marquis de Vignacourt et pénétra dans les lignes anglaises ; il n’avait plus alors que 14 hommes vivans ; dix furent faits prisonniers ; le marquis tomba percé de deux coups de baïonnette.
Néanmoins ces vaillans efforts embarrassèrent, ralentirent la
- ↑ Marie-Thérèse, Ier vol., p. 413.