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colonne anglaise, mais sans diminuer son feu, sans atteindre son énergie. La situation restait grave.

On le sentit autour du Roi. Des instances très vives furent faites pour le décider à se retirer. Mais cette fois le maréchal s’y opposa. « Quel est le[1]j… f…, s’écria-t-il à haute voix, qui donne un pareil conseil. J’en étais d’avis tout à l’heure ; maintenant il est trop tard. »

À ce moment, arriva à bride abattue le duc de Richelieu, l’épée à la main, les cheveux au vent, le visage enflammé. « La bataille est gagnée, s’écria-t-il, si on le veut. » Et il expliqua que sur notre gauche les Irlandais, soutenus par d’autres régimens, avaient rétabli le combat. « Qu’on en fasse autant sur notre droite, et nous réussirons à rompre la colonne ! »

L’entrain du duc de Richelieu ranima la confiance. On courut chercher quatre pièces de canon, postées près du pont de Calonne, pour assurer la retraite. Le Roi donna au duc de Richelieu l’ordre de faire avancer les escadrons de sa Maison. Ce fut un élan général sans qu’on sache bien qui en donna le signal.

Jamais, s’écrie le duc de Broglie, ce qu’on a appelé la furie française n’a mieux mérité ce nom. Non qu’ils se précipitassent, comme le dit Voltaire, pêle-mêle, en essaim de fourrageurs. « L’ordonnance, commandée sur place[2]par le maréchal, était au contraire si bien conçue que la rapidité du mouvement n’en dérangea pas le concert. Infanterie et cavalerie se murent cette fois ensemble, unies sans être mêlées, et en se prêtant un mutuel appui. »

La Maison du Roi donna la première, « jalouse[3]de ce qu’on ne lui eût encore rien dit. » Puis partirent les carabiniers, le maréchal à leur tête, et les cuirassiers de Lowendal. A gauche, à droite, notre infanterie avait repris énergiquement le combat, pendant qu’au centre du cercle, les quatre canons, par leurs décharges répétées, atteignaient l’axe de la colonne et la disloquaient.

« Le maréchal de Saxe, — écrit d’Espagnac, qui faisait partie de son état-major, — avait commandé que la cavalerie touchât les Anglais avec le poitrail des chevaux. Il fut bien obéi. Les officiers de la Chambre chargèrent pêle-mêle avec la garde et les

  1. Marie-Thérèse, Ier vol., p. 420.
  2. Id., ibid., p. 426.
  3. Le mot est du maréchal de Saxe lui-même.