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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/118

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Tout à coup, au débouché d’une ondulation du terrain, la première ligne anglaise se trouva face à face avec les gardes françaises qui venaient d’être portées en avant. Les deux troupes s’arrêtèrent.

C’est là que se place le fameux incident du salut que Voltaire a fait connaître au monde entier. La Revue d’histoire[1]estime qu’on ne peut pas mettre cet incident en doute ; car il est confirmé par la presque-unanimité des témoignages. Certaines relations sur la bataille de Fontenoy, et entre autres une lettre du temps, non signée, qui appartient à la bibliothèque de Nancy, prétendent qu’après avoir été invités à tirer les premiers les gardes ouvrirent en effet le feu. Cette assertion ne paraît pas entièrement exacte à la Revue d’histoire :

« Les uns et les autres, fidèles aux doctrines du temps[2], croyaient avoir avantage à essuyer d’abord le feu de l’ennemi. Seulement de notre côté, la discipline ne fut pas assez forte pour empêcher une tirerie ; » des coups isolés partirent sans commandement, sans effet. Les Anglais ripostèrent, au commandement de leurs officiers, par des décharges bien plus fournies, bien plus terribles. La panique se mit dans les gardes françaises. Le prince de Croy, dont les escadrons se trouvaient en arrière des gardes, vit la confusion se propager dans leurs derniers rangs, et de là gagner le premier rang. Tant il est vrai que l’homme supporte mieux le danger et les pertes dans l’action, que lorsqu’il est condamné à l’immobilité sans pouvoir rendre les coups.

Les pertes subies par les gardes françaises dans cette occasion, et relevées sur les documens officiels, ne sont pas assez fortes pour excuser leur défaillance, aux yeux de la Revue d’histoire[3]. Elle constate au contraire, d’après plusieurs témoignages sérieux, que les officiers sont restés fermes au drapeau, et qu’il en a été de même pour beaucoup d’hommes du premier rang.

Les gardes suisses lâchèrent pied après les gardes françaises.

La brigade d’Aubeterre, écrasée par le feu des Anglais, céda à son tour, mais se replia en ordre, par une conversion régulière en arrière. Elle laissa, comme témoignage de sa solidité,

  1. Revue d’histoire, 1905, Ier vol., p. 471.
  2. Id., ibid., p. 471.
  3. Id., ibid., p. 472.