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sur sa première position, une traînée de soldats, tombés raides morts, « dont les talons s’alignaient sur le champ de bataille. »

Sur l’ordre du maréchal, les deux lignes de cavalerie chargèrent plusieurs fois ; mais leurs efforts se brisèrent contre les bataillons anglais, pendant que notre infanterie se reformait face à l’ennemi, et ne tardait pas à agir efficacement, sur notre gauche, grâce aux Vaisseaux, aux Irlandais, aux gardes ralliés… Sur notre droite, Aubeterre tenait toujours, appuyée par d’autres brigades.

Notre feu devint même si intense que, d’après certains témoignages anglais, il y eut dans la colonne assaillante un mouvement de recul de deux ou trois cents pas, et que le duc de Cumberland dut intervenir de sa personne pour faire regagner le terrain perdu. L’infanterie anglaise formait alors une sorte de grand carré. Elle croyait au succès ; mais, incapable de se déployer, arrêtée dans son mouvement en avant, elle allait être condamnée à stationner sous le feu de nos retranchemens et de nos bataillons.

Le maréchal de Saxe avait quitté la voiture, dans laquelle la souffrance l’avait cloué dans la matinée. Il était monté à cheval, et sentait que le sang-froid et l’énergie du chef étaient plus que jamais nécessaires dans ces circonstances difficiles, mais non désespérées.

Il savait, dès ce moment[1], que des renforts approchaient ; que la brigade de Normandie allait pouvoir intervenir. Leur chef, le lieutenant général de Lowendal, un des meilleurs officiers généraux de l’armée, était déjà arrivé ; il avait jugé la situation comme le maréchal, et lui avait même dit en le saluant : « Monsieur le maréchal, voici une belle journée pour le Roi. Ces gens-là ne sauraient lui échapper. »

Songeant à utiliser les renforts amenés par Lowendal pour l’attaque décisive, sur notre gauche, le maréchal voulut en avoir d’autres sur notre droite. C’est dans ce dessein, qui paraît bien démontré à la Revue et artillerie, qu’il fit prescrire de retirer la brigade de Piémont d’Antoing, où elle était devenue inutile, depuis que les Hollandais avaient cessé leurs attaques ; mais ses ordres, mal interprétés, restèrent inexécutés.

  1. Revue d’histoire, Ier vol., p. 484.