Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas venu : ces idées n’ont encore que la force de conceptions abstraites ; les Conventionnels les ont recueillies directement de Rousseau ; les habitudes du pays restent très différentes. Des réformes de Cambacérès, on ne retiendra donc que celles qui correspondent à des tendances générales, à des mœurs déjà installées, et on rejettera d’ailleurs l’excès, l’utopie, la puérilité.

On renonce au métier manuel : on cesse de proclamer et de croire qu’il appartient à une assemblée même toute-puissante de décréter « le mode et les principes » de l’éducation. Dès le 9 septembre 1794, en présentant son deuxième projet, Cambacérès parle un autre langage.

«… Qu’on ne parle plus de puissance paternelle… Loin de nous ces termes de plein pouvoir, d’autorité absolue, formule de tyran, système ambitieux que la nature indignée repousse… Le pouvoir des pères sur leurs enfans ne sera donc parmi nous que le devoir de la protection…  »

La formule est à retenir, car l’idée qu’elle résume va désormais régler tous les rapports des parens avec leurs enfans. Et lorsque, sous la présidence de Bonaparte, les Conventionnels assagis vont se réunir pour rédiger les articles du Code civil, c’est l’idée nouvelle de protection qui représentera le plus essentiel du progrès révolutionnaire. Dans la discussion du Conseil d’État, on voit d’abord se choquer les opinions contraires des partisans du droit coutumier et des représentans du droit écrit : au nom des pays du Midi, Malleville déclare « qu’il importe en général, et surtout dans un État libre, de donner un grand ressort à l’autorité paternelle parce que c’est d’elle que dépend principalement la conservation des mœurs et le maintien de la tranquillité publique.  » Mais les jurisconsultes coutumiers s’élèvent avec force contre cette puissance paternelle du droit écrit, dont l’effet était que « l’enfant, même marié ou majeur, ne pût rien acquérir, sauf le pécule, que pour son père, s’il n’était d’ailleurs formellement émancipé.  » En cette matière comme en toutes autres, la conciliation se fait enfin. On tombe d’accord que suivant les idées nouvelles, tout individu, dès qu’il est marié ou majeur, doit devenir sui juris, et que l’autorité du père, se restreignant à la minorité de l’enfant, doit avant tout lui assurer une protection. C’est avec cette signification et pour ces fins bien déterminées que la Puissance paternelle forme un titre du Code civil. Elle diffère à la fois des règles sévères du droit écrit, des