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habitudes disciplinées des pays de coutume, des conceptions abstraites de 1793 ; mais elle s’inspire des unes et des autres.

Elle a perdu la sanction la plus énergique d’autrefois, l’exhérédation. Les pires fautes de l’enfant, quand il ne va pas jusqu’à la tentative de meurtre sur ses parens, ne lui font pas perdre ses droits à leur succession. Voilà du coup la puissance paternelle changée : n’ayant plus son arme redoutable, elle prend un autre caractère : elle ne saurait être menaçante puisque la menace serait vaine. On lui laisse toutefois le droit d’arrestation et d’internement, mais combien différent de celui qui fonctionnait au plus bref par les lettres de cachet : sous le nom de droit de correction, il ne s’exerce jamais qu’avec le concours de la justice ; le père requiert du président du tribunal l’ordre d’internement ; si l’enfant a moins de « seize ans commencés,  » l’ordre doit être délivré ; mais, si l’enfant a seize ans commencés, ou s’il possède des biens personnels, ou s’il a un état, ou si enfin le père est remarié, ce droit de correction n’est plus que la faculté de solliciter l’internement que la justice peut refuser. Donc droit limité qui n’agit librement que jusqu’à seize ans commencés, dans l’âge où tant d’autres moyens viennent d’ordinaire à bout d’une nature encore souple et de fautes encore légères. Ainsi dépouillée de ses principaux attributs, que garde donc la puissance paternelle ? Par esprit de conciliation, les coutumiers lui laissent un effet à quoi les pays de droit écrit tenaient fort, c’est l’usufruit légal. On n’admet pas que le fils reste entièrement privé de ses biens au profit du père ; mais on décide que si les enfans ont des biens personnels, l’usufruit en sera donné au père jusqu’à ce qu’ils aient dix-huit ans, pour le récompenser de ses soins. C’est une innovation pour les pays coutumiers : ils pratiquaient, il est vrai, quant aux fiefs, la garde noble qui donnait au père la jouissance des biens du mineur ; mais la garde bourgeoise, établie par imitation, n’était qu’une tutelle sans profit personnel pour le gardien et à charge de rendre compte. Il y a donc concession aux vieilles habitudes du droit écrit : cette concession était précieuse, mais elle fut la seule ?

Telle que la fixe le Code civil, la puissance paternelle consiste dans le droit de garder l’enfant et par suite de diriger librement son éducation : elle comporte le droit d’empêcher son mariage jusqu’à vingt et un ans si c’est une fille, jusqu’à vingt-cinq ans si c’est un garçon : elle a enfin comme avantage l’usufruit légal