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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/182

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et comme sanction le droit de correction. Contrairement au projet de 1793 et aux idées de la Convention, le Code civil ne trace ainsi que les grandes lignes. Bonaparte, lui, aurait voulu plus de précision et plus de détail. Il aurait voulu l’intervention de la puissance publique pour régler toutes les phases de l’éducation : le projet devait « prendre l’enfant à sa naissance, dire comment il est pourvu à son éducation, comment on peut le préparer à une profession, etc.  » Mais le Conseil d’Etat évita de parti pris cette réglementation. Il ne suivit pas davantage cette autre opinion du Premier Consul qu’un fils « parvenu à l’âge de discernement et qui ne reçoit pas une éducation conforme à la fortune de son père » devait avoir la faculté de réclamer. Enfin cette question si sagace de Bonaparte resta sans réponse : « Si un père donne une mauvaise éducation à son fils, l’aïeul sera-t-il autorisé à lui en donner une meilleure ?  » Le Conseil d’Etat et les Assemblées, revenus à la tradition, s’en tinrent à leur dessein qui était de poser quelques principes et de laisser aux mœurs, coi unie dans l’ancienne France coutumière, le soin de régler la condition de l’enfant. Toutefois il fut dit et répété, soit dans la discussion, soit dans la présentation aux Tribuns et au Corps législatif, que la puissance paternelle est établie pour protéger l’enfant et qu’elle doit s’exercer dans son intérêt. Tel est l’esprit de la nouvelle loi. Il ne se manifeste point en termes exprès, dans un article du Code civil. Mais on sait, tous les interprètes sauront qu’il se trouve sous la lettre des textes. C’est à lui ; dans le Code même, que la mère doit d’être investie d’un droit nouveau. Autrefois elle ne participait point à la puissance paternelle. Désormais, puisqu’il importe avant tout de protéger l’enfant, elle aura cette puissance autant que le père : elle ne l’exercera, il est vrai, qu’à son défaut : mais s’il a disparu, s’il est interdit, elle l’aura tout entière.

Le Code civil de 1804 n’est donc si sobre dans ses règles sur la puissance paternelle que parce qu’il s’en remet, suivant la tradition, au père et à la mère, à la famille même, du soin de l’exercer comme il convient. Voilà ce qui n’a pas changé au début du XIXe siècle et il semble aux rédacteurs du Code que les deux idées, l’ancienne et la nouvelle, se peuvent très bien concilier : le père reste libre comme par le passé dans ses droits de garde, d’éducation, de consentement au mariage ; la puissance paternelle est d’ordre public : pratiquement elle garde toute sa