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de commerce, spécialement dans les pays neufs, en voie de croissance, mal pourvus de capitaux mobiliers. Pour se procurer, du moins partiellement, les ressources nécessaires à la mise en œuvre de leurs richesses naturelles, ces pays font appel le plus possible à l’étranger ; ils contractent, sous forme de dépôts ou de comptes en banque, d’émission de titres ou de tirage de papier commercial, des engagemens qui peuvent être excessifs, ou à échéance trop courte pour que le remboursement régulier en soit possible. Tel a été le cas de l’Egypte.

La cause première de toute crise économique, quelle qu’en soit la forme, qu’on la dise industrielle, commerciale ou financière, est un abus de crédit. Pour qu’une crise éclate quelque part, il faut qu’un grand nombre de personnes aient acheté, vendu, promis au-delà de leurs disponibilités, de sorte que celles-ci soient inférieures aux obligations contractées. Cela suppose un crédit organisé sur une échelle suffisamment vaste. Un pays où n’existeraient ni banques, ni bourses, ni valeurs mobilières, et où la majorité des affaires se traiteraient au comptant échapperait par la force des choses à de tels bouleversemens. Sous l’ancien régime, la France, qui tirait ses ressources de l’agriculture et de la petite industrie familiale fut, à diverses reprises, ravagée par des disettes cruelles, mais elle ignora toujours les crises qui sévissent actuellement, tous les neuf ou dix ans, en Europe. Jusqu’à une époque très récente, l’Egypte fut dans la même situation, elle traversa souvent de tristes années maigres, marquées par une famine, une épidémie, une baisse générale des revenus et des salaires, produite par l’avilissement du prix des denrées d’exportation. Il y a un quart de siècle, elle dut même subir les déchéances, les incapacités, le contrôle international, conditions du concordat qui termina la faillite de ses finances publiques ; mais elle fait maintenant, pour la première fois, l’expérience d’une crise parce qu’elle est, depuis un lustre à peine, dans les conditions nécessaires au développement de ce malaise qui n’atteint que les nations parvenues à la croissance économique.

Quand, en 1882, les Anglais occupèrent la vallée du Nil et entreprirent d’en réorganiser l’administration, la fortune du pays était presque entièrement immobilière. A l’exception des sucreries de la Daïra Sanieh, l’Egypte ne possédait aucun établissement industriel ; ses chemins de fer appartenaient à l’Etat ; le Crédit Lyonnais, la Banque Ottomane, l’Anglo-Egyptian Bank et