Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les choses en étaient là lorsqu’un événement important se produisit : l’accord anglo-français du 8 avril 1904 acheva de convaincre tout le monde en Angleterre et en France du caractère définitif du régime inauguré en 1882, fit sortir les capitalistes français de leur réserve et donna à l’Egypte, auprès des financiers anglais, le crédit d’une colonie britannique. Le règlement de cette question vitale, jusque-là incertaine, coïncida avec la détente monétaire qui suivit, sur les marchés de Paris et de Londres, la fin de la guerre du Transvaal et la liquidation de la crise industrielle dont l’Allemagne avait surtout pâti. Les capitaux affluèrent vers l’Egypte. La National Bank augmenta son capital, le Crédit foncier égyptien et la Banque agricole suivirent cet exemple et émirent, en outre, pour plusieurs centaines de millions d’obligations. D’autres banques hypothécaires moins importantes furent fondées et n’éprouvèrent aucune difficulté à placer des obligations sur les marchés européens. Pendant ce temps, des sociétés de plus en plus nombreuses étaient lancées. Leur objet véritable, souvent mal défini, consistait, une fois au moins sur trois, dans l’achat, l’exploitation et la revente de terrains urbains ou ruraux. Le public souscrivait avec ardeur, sans prendre la peine de lire les statuts, alléché par la prime que la revente des nouveaux titres lui faisait gagner, presque invariablement, le lendemain de l’émission. Moyennant un versement insignifiant, qui ne dépassait parfois pas le 5 pour 100 de la valeur nominale de l’action souscrite, un bénéfice atteignant 10 ou même 20 pour 100 de cette même valeur fut ainsi, à diverses reprises, réalisé. On conçoit donc que certaines souscriptions aient été couvertes quarante ou cinquante fois. Le public n’était pas seulement alléché par le bénéfice qui pouvait résulter de la hausse. Il était attiré, plus encore peut-être, par l’appât des parts de fondateur dont le prospectus réservait d’ordinaire une proportion, d’ailleurs assez faible, aux souscripteurs. Ceux-ci espéraient donc un double bénéfice, et leur espoir fut alors rarement déçu, si grand était l’engouement et si irrésistible le mouvement de hausse sur toutes les valeurs anciennes et nouvelles.

Hâtons-nous d’ajouter que la prospérité grandissante du pays justifiait cette hausse dans une large mesure. Le revenu des terres ne cessait de grandir à mesure que leur taux de capitalisation diminuait. Il était donc naturel d’acheter au-dessus