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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/340

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bénéfice sur nos calculs, si nous nous établissions ici. Je serais, si j’étais seul, d’avis de prendre nettement ce parti sans emploi : six mois ici, six à Saint-Point ou en Angleterre, alternativement. Qu’en dites-vous ?


9 janvier, mardi[1].

Ceci ne sera qu’une ligne, ange de ma vie ! Je n’ai aucune nouvelle à te donner, peut-être n’en aurai-je pas avant la réponse de M. de Château. Tous mes amis du ministère, hors Rayneval à qui je n’en ai rien dit, m’approuvent de cette demande ; ils sont au fond bien aises d’avoir affaire eux-mêmes à un homme honnête. Je ne m’en repens donc point. Je me confie en cette Providence qui a bien su te donner à moi malgré tous les obstacles et qui saura aussi nous arranger selon nos besoins et ses volontés. Ta mère seule m’inquiète. Je voudrais savoir décidément ce qu’elle désire. Je le ferais pour lui rendre l’existence douce avec toi, car je sens bien que si nous nous séparons il n’y aura plus de bonheur parfait ni pour elle, ni pour toi, ni par conséquent pour moi. Je ne tiens, pour mon compte, ni à ceci, ni à cela. Je ne puis pas avoir d’ambition, je suis trop heureux comme je suis. Mon seul but véritable est d’écrire un jour pour le temps et pour l’avenir, et de tâcher de me rétablir pour cela. D’après ce que je vous dis là, décidez-vous absolument à votre guise et mande-moi votre parti, je m’y conformerai sans une hésitation. J’aime exactement autant aller que rester, rester qu’aller. Je puis me passer de la place, j’accrocherai bien quelque autre chose ou pension ici ; l’enthousiasme n’y est pas mort tout à fait pour moi ; le Roi même en parle d’une façon très belle. Dis-moi donc ce qui vous convient.


Vendredi matin, 11 janvier[2].

J’ai reçu vos deux lettres, cher ange ; remercie bien ta mère pour moi des choses bonnes et obligeantes qu’elle me dit dans la sienne. Elle ne s’explique pas cependant tout à fait assez franchement pour régler définitivement ma conduite. Je voudrais qu’elle me dît si elle préférerait s’établir à Paris pour six mois chaque année avec nous sans plus songer à aucune carrière, à aller à Florence. L’un et l’autre parti me sont indifférens. Mais si nous ne nous décidons pas tout à fait à nous établir définitivement et pour toujours à Paris avec ou sans place, je ne pense pas qu’il soit bon et sage pour nous d’y venir faire à présent et pour bien peu de temps peut-être, un demi-établissement avec tout notre train et avec une grande dépense sans résultat, qui nous gênerait beaucoup ensuite dans le cas de notre envoi en Toscane.

Je m’ennuie à périr sans toi, je ne puis vivre maintenant sans ma seconde vie ! tu sais où elle est, ô mon cher amour !

Si ta mère pouvait aller faire son petit voyage à Londres d’ici au mois d’avril, cela serait peut-être aussi bien dans le cas de Florence. Tu pourrais

  1. Mme Alphonse de Lamartine, rue Saint-Pierre, à Mâcon.
  2. Mme Alphonse de Lamartine, à Mâcon.