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l’accompagner avec moi. Pense à tout cela, mon cher petit conseil ! penses-y sans humeur, sans vivacité, sans impatience, et puis décide, ou plutôt ne décide encore rien. Attends-moi et attendons nous-mêmes les décisions d’ici qui nous dirigeront. Adieu pour un moment, bel ange de ma vie !

Je n’ai pas pu voir le ministre hier au soir, à cause de la mort de la duchesse de Bourbon.


Mme Birch accepta Florence. Seulement le poste n’était pas vacant. Celui qui l’occupait, ne songeait pas à se retirer. Et on a vu que Lamartine se fût fait scrupule de contrarier les convenances d’un collègue. Il n’y avait qu’à attendre. On organisa la vie en conséquence. Lamartine alla d’abord rétablir sa santé en prenant les bains et buvant les eaux à Plombières. Il s’y ennuya royalement. « Nous avons reconnu hier soir le pays et la société, écrit-il ; l’un ressemble à l’autre ; tous deux sont nuls. Plombières est un trou dans une vallée profonde, ténébreuse, sans issue : on a tout vu du premier coup d’œil et rien ne change. La société consiste en cinq ou six vieilles femmes des environs, tout ce qu’il y a de plus vulgaire. Nos hôtes sont des cuisiniers ; il n’y aurait pas même la ressource d’une Mme Perrier. Il n’y a aucune maison à prendre dans la campagne pour nous, si nous y venions. C’est à mourir d’ennuy. Veydel en prend le spleen. Pour moi, cela m’est égal, tout me serait ennuyeux sans toi. Je regrette seulement de ne pouvoir pas dire : elle serait bien là ! J’envoie mille tendresses à nos chers jolis enfans[1] ! » Puis ce fut le funeste voyage en Angleterre. Si encore il n’avait eu que l’inconvénient de donner à Lamartine le goût de l’architecture gothique et d’inspirer les futurs « embellissemens » de Saint-Point ! Mais il coûta la vie à l’aîné des « chers jolis enfans. »

On revint passer à Paris les premiers mois de 1823. Ce paysan de Lamartine ne se trouvait jamais bien du séjour dans notre ville. Il avouait n’être pas un animal de salon, pas plus d’esprit que de corps. Il enrageait et tombait malade. La poésie profitait de ces loisirs forcés. C’est la règle pour Lamartine. Chaque fois que la diplomatie ou la politique lui manquent, la littérature y gagne. Ce n’est pas en Italie, c’est au retour qu’il écrit

  1. A Mme Alphonse de Lamartine, à Mâcon. — de Plombières, 7 juin 1822. (J’ai à peine besoin d’avertir le lecteur que toutes les citations contenues dans cet article — lettres de Lamartine, lettres de sa mère, fragmens de la 17e Harmonie — sont inédites.)