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ne devait plus l’oublier. Lui qui ignore les longues rancunes, il ne pardonna jamais à l’Académie.


LA VIE EN TOSCANE VUE DE MACON ET DE MILLY

Lamartine se vengea, comme lui seul pouvait le faire, en écrivant un nouveau poème. Childe Harold, lu avant la publication à quelques connaisseurs, les enthousiasma. « Childe Harold paraît enchanter tous ceux qui en goûtent. Je l’ai récité hier au plus sévère des critiques, M. Villemain. Il a été dans un transport d’admiration sans égal et m’a assuré le plus brillant et surtout le plus durable succès. Cela se répand dans le monde et fait très bien. Il m’a proposé de faire lui-même un article des Débats. Les libraires sont vraiment à ma queue, comme les créanciers chez un débiteur[1]. » Enfin la nomination de secrétaire d’ambassade est signée au mois de juillet 1825, et Lamartine arrive le 2 octobre à Florence. C’est pour lui une nouvelle vie qui commence.

On aimera à entendre l’écho qui en parvenait, là-bas, à Mâcon et à Milly. Le poète diplomate était trop occupé et de soins trop divers : sa femme tenait le plus souvent la plume pour lui. Chaque semaine arrivait de Florence une lettre où l’on ne trouvait jamais qu’il y eût assez de détails. Chaque semaine arrivait à Florence une lettre qui apportait à Lamartine dans son « brillant exil » une bouffée de l’air natal. Oh ! cette délicieuse correspondance d’une mère, et ce mélange exquis des pensées les plus élevées et des plus humbles soucis de l’intérieur ! Quand on lit le Manuscrit de ma mère, tel que l’a publié Lamartine, on est toujours un peu inquiet, et on se demande quelle part y revient au pieux éditeur. Dans les lettres que j’ai sous les yeux[2], une âme adorable s’exprime au jour le jour, avec sa bonté, ses inquiétudes, ses scrupules, sa religion de la Providence, et ce charme de simplicité domestique et rustique.

Tout en s’affligeant d’être éloignée de son fils, la mère de Lamartine se réjouissait d’une situation qu’elle avait longtemps souhaitée pour lui et qui comblait tous ses vœux. « Il faut dans ce monde faire fructifier les talens que la Providence nous a confiés,

  1. A Mme de Lamartine, Alphonse, à Mâcon. — De Paris, 14 avril 1825.
  2. Ce sont les lettres que Mme de Lamartine de Prat, la mère du poète, adressait à son fils et à sa belle-fille pendant leur séjour en Toscane, de 1826 à 1828