l’avaient le plus mal accueillie. Son grand mérite était d’accorder équitablement, aux diverses régions et aux divers peuples de l’énorme Empire, un nombre de députés proportionnel à leur force numérique. Considérant la Russie d’Europe et la Russie d’Asie comme les deux moitiés d’une seule et même Russie, la loi électorale d’où étaient sorties les deux premières Doumas avait appelé à siéger au palais de Tauride des représentans élus de toutes les terres soumises au sceptre du Tsar, vieilles provinces moscovites ou jeunes colonies russes, jusqu’aux possessions les plus lointaines, jusqu’aux plus étrangères à la nationalité dominante et à la civilisation européenne, telles que le Turkestan et la Sibérie orientale.
Excessive peut-être, à tout le moins prématurée aux extrémités du continent ou au cœur de l’Asie, où elle appelait aux urnes électorales des populations encore peu capables de se servir du bulletin de vote, cette extension du droit de suffrage à toutes les provinces russes, sans distinction de race, de nationalité, de religion, se justifiait aisément en Europe. Car, en donnant satisfaction aux légitimes désirs des provinces frontières, des oukraïnes russes, elle tendait à les rapprocher moralement de la vieille Russie. Par là, en dépit de tous ses défauts, la loi électorale promulguée par le ministère du comte Witte faisait grand honneur à l’intelligence et au sens pratique de cet homme d’État, aussi bien qu’au libéralisme du gouvernement impérial. Elle ouvrait la nouvelle ère constitutionnelle par une large mesure de pacification nationale et de conciliation religieuse. En inaugurant le régime représentatif, la loi électorale reconnaissait qu’il ne devait être ni le privilège d’une nationalité, ni le monopole d’une Église. Avant même que fussent abolies les lois d’exception infligées aux provinces conquises, les lois contre les populations d’origine étrangère ou contre les cultes dissidens, le gouvernement impérial rompait de lui-même avec la politique de persécution légale ou de vexation mesquine qui avait valu à l’ancien procureur du Très saint Synode, M. Pobédonostsef, tant de haines et de malédictions. Polonais, Lithuaniens, Lettes, Roumains, Finnois, Tatars, Géorgiens, Arméniens, — catholiques, protestans, juifs, musulmans, — tous les habitans des vastes provinces annexées par Pierre le Grand et par ses successeurs, tous les peuples qui avaient si longtemps été assujettis à des lois d’exception, et avaient tant