Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/417

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eux-mêmes. » Ils mettent en garde les syndicats contre les partis politiques et parlementaires si préoccupés de les diriger et qui n’ont, à vrai dire, de socialiste que l’étiquette. Formés de classes mêlées, où avocats, patrons, bourgeois de tout acabit, coudoient les ouvriers, ces partis n’ont ni vrai caractère prolétarien, ni purs intérêts de classe. Le socialisme n’est pour eux qu’une opinion, un dossier, non une manière de vivre. Sa réalisation les priverait de leurs rentes, de leurs agréables occupations intellectuelles. Une fois au pouvoir, ils trahiraient la classe ouvrière et mentiraient à leur programme. Reconnaître, comme ils le font, la loi démocratique des majorités, c’est nier la lutte de classes. Les syndicalistes révolutionnaires comprennent cette lutte dans son sens le plus primitif, la révolte. Ils proclament le droit de la minorité syndicaliste, de l’élite, à se placer volontairement hors la loi bourgeoise, à n’en accepter que ce qui lui plaît, ce qu’elle considère comme favorable à son action révolutionnaire. Par les grèves, par la violence, par l’état de guerre perpétuelle, latente ou déclarée, ils pèsent sur les employeurs, sur les politiciens socialistes, aussi bien que sur les Parlemens. Ils n’ont pas besoin de s’entendre avec le parti, ils l’ignorent simplement.

Rien n’est de plus contraire à la manière de voir des grands syndicats allemands, si riches, si puissans, si pondérés, qu’une tactique qui consiste à ne vouloir par principe que de petits syndicats peu nombreux, pauvres et par conséquent révoltés, très unis, très indépendans, capables d’entraîner la masse à la grève et à la révolution. Ils considèrent qu’en France ce mouvement est insignifiant, superficiel, que les Bourses ne vivent que grâce aux subventions municipales. C’est, selon Bernstein, l’enfance prolongée du mouvement syndical. Legien, un des chefs syndicaux allemands, a parlé avec le plus grand mépris de l’état d’esprit qui anime les dirigeans de la Confédération générale du Travail.

La Confédération reste séparée des socialistes unifiés et de l’Internationale. En France, au Congrès syndicaliste d’Amiens, aux Congrès socialistes de Limoges, de Nancy, à la veille même de celui de Stuttgart, a été sanctionnée l’indépendance réciproque, entre la Confédération et le parti socialiste unifié. Malgré l’opposition de M. Guesde, M. Vaillant et M. Jaurès l’ont emporté sur ce point, à une faible majorité. Cette indépendance prétendue des deux organismes ne signifie pas autre chose pour les socialistes que leur sujétion humiliée aux anarchistes et aux