Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/422

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tendre les mêmes argumens et le même langage dans la bouche de Kautsky, salué à la tribune par de longs applaudissemens. Le représentant attitré du marxisme, du darwinisme historique, vint apporter des considérations sentimentales et humanitaires que répudient d’ordinaire les disciples de Karl Marx. Il n’y a pas, d’après cet observateur superficiel, deux sortes de peuples, quoi qu’en disent les coloniaux : les peuples supérieurs et les peuples inférieurs. Au même titre que tous les prolétaires, les indigènes doivent être protégés par les socialistes contre le capital, contre la bureaucratie, contre le militarisme. Que les socialistes aillent chez les peuplades sauvages non en conquérans, mais en missionnaires, et tâchent de gagner leur confiance.

Mais le Hollandais van Kol, qui connaît les questions coloniales par expérience propre, puisqu’il a fait fortune à Java[1], a, rappelé Kautsky au sentiment de la réalité. Il a proposé à Kautsky d’entreprendre avec lui une excursion chez les nègres, afin de répandre parmi eux l’évangile socialiste, non sans quelque risque d’être dévorés : « Comment introduirez-vous des machines chez les sauvages, demandait-il à Kautsky, si vous ne les faites accompagner de soldats ! Rendrez-vous l’Amérique aux Peaux-Rouges ? » Et van Kol a assuré que Hollandais et Javanais vivent en très bons termes, font ensemble très bon ménage. Fort éloigné des déclamations démagogiques du camarade Quelch, Macdonald, au nom de l’Independent Labour party a rappelé que le nombre des colonies anglaises forment des États libres, qui s’administrent eux-mêmes. Les Anglais doivent se borner à censurer, devant la Chambre des communes, toutes les mauvaises méthodes, tous les abus africains. Quant au courant impérialiste, il ne faut pas songer à l’arrêter, sa force est irrésistible. Bernstein, l’ancien député de Breslau a assigné aux peuples civilisés le devoir d’éduquer, et par conséquent de mettre en tutelle les peuples barbares, frappés d’immobilité, et David, député de Mayence, a sommé ironiquement les socialistes anglais et les socialistes français, comme une conséquence logique de leur intransigeance, de proposer à la Chambre des communes et au Palais-Bourbon l’abandon des colonies, seul moyen radical

  1. L’anarchiste Domela Nieuwenhuis reprochait un jour à van Kol l’origine coloniale de sa fortune Pour toute réponse, van Kol publiait une lettre de son accusateur, le priant de faire fructifier dans des entreprises coloniales 20 000 florins qu’il proposait de lui envoyer.