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magne, leur action est néant. En France, où, grâce à la désorganisation générale, ils avaient pris quelque ascendant, ils baissent au Palais-Bourbon, et le retour de Stuttgart n’est pas fait pour les rehausser.

Leur puissance intellectuelle n’est pas plus frappante que celle des autres partis politiques. Il est rare de découvrir dans leurs discours le sens de la réalité, de la complexité des questions sociales, et d’y rencontrer des idées neuves, hardies et pratiques. Ils vivent de vieilleries. Mais ils ne s’adressent pas à des gens cultivés, doués de sens critique. Ils cherchent à fasciner les masses par leur éloquence pathétique, à exercer sur elles une grande influence, et cette influence n’est pas négligeable car ces masses ne sont pas insignifiantes. On peut les estimer à huit ou dix millions d’hommes répandus dans le monde entier, dont les socialistes s’efforcent de pétrir le cerveau et le cœur, en faisant appel à la fois à leurs intérêts matériels et à un idéal de liberté, d’égalité, de fraternité, emprunté à la Révolution française. Le double contraste entre l’utopie humanitaire et les intérêts pratiques dont ils doivent tenir compte, se retrouve dans toutes les décisions des congrès.

Vers quelle forme de société prétendent-ils conduire ces foules qui les suivent aveuglément ? Ils déclarent eux-mêmes l’ignorer absolument. La Conférence interparlementaire, réunie à Stuttgart à l’occasion du Congrès s’est occupée de l’avenir. Le député hollandais Troelstra a posé une question indiscrète ; le moment n’était-il pas venu d’étudier un système politique particulier, de rechercher comment l’État pourrait être constitué en un système socialiste, distinct de la politique bourgeoise et du socialisme d’État bourgeois ? M. Vaillant a jugé la recherche presque impossible. M. Jaurès, rappelant sa proposition d’exposer par le détail l’appareil juridique de l’État futur, a ajouté, avec belle humeur, qu’heureusement il n’avait pu mener l’entreprise à bonne fin, parce qu’il s’était trouvé souffrant. Toujours sarcastique, le docteur Adler déclara qu’il avait la vue un peu basse, sur ces questions d’avenir, mais que la vue à distance n’était pas une vertu : si l’on nommait une commission pour ordonner toutes les propositions qui surgiraient à ce sujet, et si l’on cherchait à les concilier, on mettrait en danger non le mouvement socialiste, mais la santé de ses membres. Bref, les socialistes travaillent de leur mieux à détruire la société