Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/438

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sentiment n’a pas tardé à éclore. Elle n’a pu rester insensible à l’admiration d’un prince jeune et séduisant, dont toutes les femmes autour d’elle souhaitaient les hommages et se disputaient les sourires, et elle a été touchée peu à peu par la constance de cet esprit frivole, de ce cœur volage que rien si longtemps n’avait pu fixer d’une manière durable. C’est presque à son propre insu qu’elle se laissera aller à répondre aux avances du Comte d’Artois et tous deux s’embarqueront sans y songer dans une liaison qui durera toute leur vie ! La chute de la douce Louise dans les bras de son vainqueur sera presque inconsciente et dès le lendemain de cette défaite qui pour tant d’autres eût été un triomphe, elle n’aura plus qu’un désir, c’est de vivre dans la retraite pour se consacrer tout entière à son amour. Elle a trouvé un aliment à ce besoin d’affection et de dévouement qui la dévorent et qui suffiront désormais à remplir son existence. Elle vivra dans un effacement volontaire, étrangère à toute intrigue, se tenant en dehors de toutes les combinaisons et de tous les rouages compliqués de la politique. Elle ne voudra qu’aimer, et, comme cette douce La Vallière jadis aimée du grand roi, elle ne désirera pas toucher aux choses de ce monde, toute son ambition réside dans son cœur ! La mort même ne viendra pas briser les liens qui l’auront unie à son amant pendant vingt années de son existence. A son lit de mort, résignée et repentante, pourtant, elle ne pourra se résoudre à détester ses anciennes faiblesses et tout en le ramenant à Dieu elle fera jurer à son prince une fidélité éternelle à son souvenir. « Tout à Dieu ! » lui dira-t-elle dans sa recommandation suprême, et jusqu’à son dernier jour le Comte d’Artois tiendra religieusement sa promesse.

Ce n’est pas aux élans de son cœur qu’a obéi tout d’abord Mme de Balbi en s’attachant au Comte de Provence, et si elle a été attirée par les brillantes facultés intellectuelles du futur Louis XVIII, elle a surtout été séduite par la situation prépondérante qu’elle va trouver auprès de lui. Encore presque une enfant, elle a su plaire à Madame par la gentillesse de ses manières, l’originalité de ses remarques et la vivacité de ses propos ; mais une fois en possession de la charge qu’elle a obtenue auprès d’elle en dépit de tous les obstacles, elle s’aperçoit bien vite que la seule protection de Joséphine-Louise de Savoie serait insuffisante pour lui permettre de se tailler un rôle à sa hauteur. Entre ces deux époux qu’elle a promptement jugés à leur valeur