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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/441

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libéralement départis par la nature, nous la verrons en user largement, mais sans qu’ils soient jamais déparés par l’ombre d’une bassesse. Comme toutes les femmes habituées à dominer, elle ne sait guère se plier à aucune contrainte, et supporte impatiemment tout ce qui met obstacle à ses caprices ou à ses volontés. On la voit alors s’emporter contre qui lui résiste ; et ses colères sont si violentes, qu’elles ne s’arrêtent devant rien, pas même, et c’est son éloge, devant son intérêt.

Volage par tempérament, sa morale n’est pas sévère et s’accommode volontiers des principes de large indulgence qui sont ceux du monde qui l’entoure, mais elle ne fait qu’obéir aux mœurs de l’époque et n’a pas de raison pour se montrer plus austère que ses contemporains. Assurément elle n’aura trop souvent d’autre règle que son bon plaisir, d’autre frein que sa fantaisie, et lorsqu’elle obéira à des élans irraisonnés, elle n’attachera aux faiblesses du cœur qu’une importance secondaire. Mais si elle ne brille ni par sa vertu, ni par sa constance, combien en est-il parmi ses compagnes qui donnent un meilleur exemple dans cette cour galante où l’amour est si fort en honneur ? En tout cas, elle a une supériorité qui la distingue de beaucoup d’autres, c’est que l’amour dans son cœur ne fait pas tort à l’amitié ; aussi, dans tous les temps et à toutes les époques, elle gardera des affections très sûres qui lui demeureront inébranlablement attachées. Cette femme coquette et légère, ambitieuse et fantasque, est une amie fidèle et sûre, constante dans ses attachemens.

L’empire qu’elle exerçait sur le Comte de Provence s’explique donc aisément. Rebelle aux exercices physiques que son précoce embonpoint lui avait de bonne heure rendus difficiles, vivant pour ainsi dire dans son salon où il se plaisait aux fines épigrammes et aux piquantes reparties, le prince trouvait en Mme de Balbi la réunion parfaite de tout ce qu’il aimait, la beauté accomplie, l’élégance raffinée, le charme des manières, la distinction et la subtilité de l’esprit. Aussi quel attachement il lui avait voué !

Dès le matin, à son réveil, c’est d’elle qu’il s’entretient avec son médecin Beauchêne qui est aussi le sien et toutes ses soirées, d’une façon invariable, se passent au foyer de sa bien-aimée favorite ! Il n’est pas d’éloges qu’il ne fasse de la splendeur de ses cheveux, de la perfection de ses bras et de ses mains, des attraits de toute sa personne. Mais plus encore que