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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/453

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femmes, soit par une voix seule à laquelle répondaient toutes les autres voix. Eusèbe a soin d’ajouter que la même pratique était familière à l’Église chrétienne de son temps.

Quant à la notation, elle ne consistait que dans l’adjonction au texte littéraire de signes grammaticaux. Ainsi le chantre lisait les paroles et la musique à la fois. Et de cette musique même, voici quels étaient les principes : adaptation étroite de la phrase musicale à la phrase poétique ; alternance dans le chant de parties mélodiques, ou vocalisées, avec des passages en récit ; enfin soumission de la musique au rythme, et non point à la mesure : en d’autres termes, le partage libre, au bleu de la division rigoureuse du temps.

À ces différens caractères il est impossible de ne pas reconnaître, encore lointain, mais sensible déjà, comme un premier souffle du chant grégorien. Aussi bien quelques fragmens de musique israélite, publiés par des grammairiens du XVIe siècle et par un musicologue du XVIIe, confirment en quelque sorte par le détail les observations d’ensemble. M. Gastoué, qui cite ces formules, y reconnaît la présence de certains « tons » ecclésiastiques, le second et le cinquième. Ce sont, ajoute-t-il, ceux « des trois quarts des répons-graduels de la liturgie romaine, ces extraits de psaumes qui nous viennent précisément en ligne droite de la synagogue. » Ainsi le rapport entre le chant hébraïque et le chant chrétien se fortifie et se resserre davantage. Ainsi la parole du Christ : « Je ne suis pas venu pour abolir la loi, mais pour la compléter, » se trouve, en musique même, accomplie.

« E pure nostra mamma, » nous disait un jour de la religion juive le Souverain Pontife : « Malgré tout, elle est notre mère. » Mais ce n’est pas seulement dans la liturgie de la religion mère de la nôtre, qu’il faut rechercher les origines du chant chrétien. On les trouverait ailleurs encore, jusque dans le rituel musical de certaines sectes étranges, superstitieuses et grossières, qui remplirent au commencement l’espace demeuré vide entre la vieille orthodoxie hébraïque et le christianisme nouveau. La doctrine, d’ailleurs très mêlée et fort incertaine, de ces groupemens bizarres, comportait un reste de croyance, ou plutôt, tout ce qui restait de la croyance antique à la magie et particulièrement au pouvoir des incantations poétiques et musicales, des formules désignées en général par le mot latin de carmina. La plus fameuse entre les sectes dont nous parlons, la Γνῶσις ou la Science, comme elle s’appelait elle-même, serait dérivée, assurent les historiens, de la théogonie ou de la démiurgie égyptienne. Sur la musique religieuse de l’Égypte nous avons comme renseignement un texte du IIIe siècle