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demi) du temps de saint Grégoire. Mais c’est peut-être le cas de dire, ou de répéter, que « le temps ne fait rien à l’affaire, » si l’époque où vivait Jean Diacre fut précisément l’une des plus glorieuses de la Schola Caniorum ; si Jean put connaître les maîtres, les archives et les traditions de cette école ; enfin si la véracité, la conscience et les scrupules du biographe ne nous permettent pas de suspecter son témoignage.

Aussi bien d’autres ne manquent pas, qui viennent le corroborer. Le pape saint Léon IV a rappelé dans une lettre authentique « la douceur du chant de Grégoire et la manière de chanter et de lire dans l’Église, qu’il ordonna et régla… Toutes les Églises ont reçu avec une telle avidité et un si courageux amour ladite tradition de Grégoire… Ce très saint pape Grégoire, serviteur de Dieu, qui fut illustre prédicateur et sage pasteur, et fit tant pour le salut de l’humanité, édita aussi le chant susdit que nous chantons à l’Église… »

Remontons plus haut. Approchons davantage de Grégoire lui-même. Deux Anglais, du nom de Bède et d’Egbert, l’un simple chroniqueur, mais l’autre archevêque d’York, nous fournissent, un siècle seulement après la conversion de leur pays par les envoyés de Grégoire, des renseignemens précis et précieux. L’historien nous apprend, « à part les progrès continus de la liturgie et du chant romain parmi les églises d’Angleterre, 1° que saint Grégoire envoya des livres liturgiques à ses missionnaires ; 2° que ces missionnaires avaient chanté, à leur débarquement, une antienne de procession qu’on nous cite tout au long ; 3° qu’il y avait parmi eux des élèves de Grégoire qui enseignèrent à divers Anglais le chant romain. »

Quant à l’archevêque Egbert, il fait mention, dans un document canonique, des antiphonaires et missels de saint Grégoire apportés en Angleterre par les missionnaires romains. De plus, il les déclare en tout semblables à ceux que l’on conserve à Rome et que lui-même y a vus.

Il n’est pas jusqu’aux pierres, aux pierres funéraires, qui ne gardent le souvenir et la renommée du pontife musicien. Quarante ans après lui, quand mourra le pape Honorius, on l’appellera « pasteur excellant dans le chant divin, » digne successeur de Grégoire, et c’est le plus bel éloge qui se lira sur son tombeau.

Enfin les circonstances mêmes de la vie de saint Grégoire et les fonctions diverses qu’il occupa jusqu’à son élévation au siège apostolique fournissent aussi leur témoignage. Il s’accorde avec celui des historiens.