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Issu d’une famille illustre et fortunée, élevé selon son rang et sa fortune, Grégoire étudia les arts libéraux. Sans doute il éprouva de bonne heure le goût de cette musique, dont jamais rien, fût-ce les épreuves et les angoisses de son pontificat, ne devait lui faire perdre le souci vigilant et passionné. Moine bénédictin et biographe de saint Benoît, il dut étudier à fond, pour écrire la vie du fondateur de son ordre, l’une de toutes les règles monastiques où la musique assurément a la plus grande part. Devenu l’abbé du monastère qu’il avait lui-même établi sur le Cœlius, il se vit confier, à ce titre, la surveillance et la direction générale des offices et de la Schola cantorum, le choix des cantiques et des psaumes, la désignation, parfois peut-être la composition musicale des hymnes, des lectures et des répons.

D’autres occasions, non moins favorables et plus éclatantes, ne manquèrent pas à ses facultés de musicien. Distingué par le pape Pelage II, Grégoire fut envoyé par lui comme « apocrisiaire, » — nous dirions aujourd’hui nonce ou légat, — à Constantinople. La musique, et la musique d’église, y était alors honorée et florissante. Justinien, par mainte ordonnance, en avait réformé les abus et réglé la pratique. Pendant les sept années qu’il habita Byzance et la maison du prélat grec Eulogios, le futur patriarche d’Alexandrie, Grégoire se lia d’une étroite affection avec l’archidiacre Léandre, depuis archevêque de Séville et l’un des premiers musiciens de son temps.

Rappelé par le Pape et de retour à Rome, Grégoire y fut bientôt investi de l’archidiaconat. Quelque chose de musical se mêlait encore à cette haute fonction. « L’archidiacre avait dans ses attributions la surveillance des cubiculaires, jeunes enfans attachés à la chambre pontificale, parmi lesquels on recrutait les lecteurs et les petits chanteurs, et à lui incombait l’ordonnance pratique de la liturgie, indiquant les cérémonies à faire ou les chants à exécuter. Le diacre ou l’archidiacre avaient de plus dans leur service un rôle musical à remplir : c’était à eux à diriger le chant, à donner le signal des pièces à chanter, enfin à préparer et à exécuter eux-mêmes les plus difficiles de ces pièces, les psaumes placés entre les lectures, c’est-à-dire ce qu’on a nommé depuis répons-graduel et trait. »

Plus d’une épitaphe romaine atteste que les diacres, dont Grégoire était devenu le chef ou le magister, formaient véritablement dans l’Église des IVe et Ve siècles un ordre mélodieux. Il n’est question sur leurs tombeaux que de leur voix ou de leur chant. On lit sur une de ces pierres : « J’ai voulu, en modulant comme le Prophète, psalmodier parmi le peuple et c’est ainsi que j’ai mérité d’arriver au