Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/541

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et pour les revendre au public sous forme de titres enflés d’un profit actuel ou futur. C’est ce que là-bas on appelle l’« over-capitalisation, » contre laquelle l’opinion est très montée, parce qu’elle y veut voir une cause d’élévation des tarifs. C’est un lieu commun, absurde et d’ailleurs assez admis, que celui-ci : les chemins de fer prennent d’autant plus cher qu’ils ont plus de dividendes à payer. Le sénateur Lafollette disait au Congrès que « chaque dollar de surcapitalisation impose au public une extra-charge à payer par chaque tonne de marchandises. »

En réalité, les dividendes n’ont rien à voir avec les tarifs, ni le capital avec le dividende. Les affaires seraient trop belles s’il suffisait, en Amérique aussi bien qu’en Europe, de grossir nominalement son capital pour augmenter du même coup ses revenus, Et, si l’on voulait à toute force trouver une corrélation entre l’inflation du capital et le tarif d’un chemin de fer, ce serait tout juste dans le sens opposé à celui que croit le vulgaire : les lignes à gros capital sont le plus souvent des lignes à tarif réduit. Les compagnies situées à l’Est du lac Michigan et au Nord de l’Ohio, dans les Etats-Unis primitifs, ont à la fois les plus bas tarifs et la plus haute capitalisation ; au Sud de l’Ohio et à l’Est du Mississipi le capital, par kilomètre exploité, est plus bas, mais les tarifs sont plus élevés ; enfin, à l’Ouest du Mississipi, les tarifs les plus chers de toute l’Union coïncident avec la moindre capitalisation.

Si l’on envisage isolément telle ou telle compagnie, on reconnaît que la majoration de son capital est souvent accompagnée de la réduction de ses tarifs. Ce fut le cas notamment des trois lignes que je citais tout à l’heure, — Burlington & Quincy, Rock Island, Chicago & Altona. — Sur ces réseaux, les prix exigés des voyageurs et des marchandises ont baissé, depuis cinq et dix ans, de 14, de 2,5, de 30 pour 100. La raison en est fort simple : c’étaient là des lignes qui, gagnant beaucoup, ont pu réduire leurs tarifs pour décourager la concurrence. Les lignes moins prospères ne le peuvent pas.

Mais ce que ne disent pas, ou ce que ne disent qu’à mots couverts, défenseurs et adversaires des compagnies, le voici : c’est que la surcapitalisation est un moyen de dissimuler les profits. Au lieu de distribuer 14 pour 100 de dividende au capital existant, on double nominalement ce capital qui, dès lors, ne recevra plus que 7 pour 100. Or, ces gros bénéfices des lignes