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semaine. L’« American Card an Foundry » a vu, de 1906 à 1907, son chiffre d’affaires passer de 345 à 500 millions ; l’an dernier il était sorti de ses ateliers 95 000 wagons de fer et 1 000 voitures de voyageurs.

Ce matériel toutefois est visiblement insuffisant pour un trafic partout congestionné. J’ai eu la curiosité de noter, dans les trains où je montais. L’âge des locomotives ; il en est beaucoup encore qui ne sont plus jeunes. On s’arrache les wagons de marchandises. Les compagnies, en vue de les mieux utiliser par une accélération du service, imposent des taxes sévères aux industriels et commerçans qui s’en servent comme de magasins ou empruntent pour des transports minimes les énormes wagons spéciaux qui leur parviennent pleins.

Une pareille activité se traduit naturellement par un surplus de recettes pour les chemins de fer qui, dans leur ensemble, ont encaissé 11 milliards 500 millions de francs en 1906 contre 7 milliards 435 millions en 1900. Le produit net a suivi une progression correspondante, bien que les compagnies aient affecté plus d’un milliard par an à leurs achats de matériel. Il est des lignes où ce profit net a triplé, d’autres où il a quadruplé.

Et c’est ici où l’ambition spéculative de quelques administrateurs s’est donné libre cours. Ces administrateurs ne sont pas, comme chez nous, des personnages honorablement décoratifs qui se contentent de modestes jetons de présence et d’un compartiment réservé dans leurs déplacemens gratuits. Le plus gros actionnaire de chemin de fer français ne possède que 30 000 actions, — sur les 525 000 émises, — de la ligne qu’il gouverne et, en possédât-il davantage, le régime de contrôle auquel sont soumises les compagnies françaises ne lui conférerait qu’une autorité fort limitée. Aux Etats-Unis, les créateurs heureux des grands réseaux en étaient jusqu’ici les seuls maîtres et les principaux propriétaires. Rien ne s’opposait à ce qu’ils confondissent, dans leurs entreprises, l’argent de la compagnie avec le leur propre, comme ces grands ministres de la royauté qui édifiaient leur fortune en servant l’Etat et en faisant bourse commune avec le Trésor.

Au lieu d’améliorer simplement la ligne et de grossir les dividendes, on reproche à certains autocrates des voies ferrées de faire appel au crédit pour butiner et conquérir des lignes voisines