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une dizaine de sociétés minières et métallurgiques, ils représentaient à eux seuls, au cours de la Bourse, 2 milliards de francs environ ; les dix autres ensemble valaient à peu près 2 milliards 400 millions. Or le trust fut constitué au capital de 6 milliards 700 millions. Mais dans cette somme, qui constituait une inflation de 2 milliards 300 millions, il y avait plus de 2 milliards et demi d’actions ordinaires.

Celles-là, qui valaient nominalement 500 francs et intrinsèquement 25 francs, tout au plus 50, ne devaient représenter, aux mains des sociétés qui s’en partageaient les quatre cinquièmes et du syndicat d’émission, qui avait reçu le dernier cinquième, — soit une commission nominale de 500 millions de francs, — pour ses frais et peines, ne devaient représenter, dis-je, qu’une prime d’avenir, un billet tiré sur le succès futur de l’affaire. Mais, comme les détenteurs de ce titre souhaitaient en réaliser une partie de suite dans des conditions avantageuses, les directeurs du trust se laissèrent aller au début (1902), en présentant la situation sous un jour trop favorable, à attribuer un dividende de 4 pour 100 à ces actions ordinaires. Elles montèrent alors (1903) jusqu’à 235 francs, pour retomber brusquement à 40 francs en 1904 lorsque, la politique du trust ayant changé, les dividendes facultatifs disparurent.

Seulement, à partir de cette date, la totalité des excédens disponibles fut appliquée à l’accroissement du matériel et des usines ; aussi bien de ces usines-monstres de Pittsburg dont la description, cent fois refaite, forme un chapitre nécessaire de tous les livres de voyage aux Etats-Unis, que de ces centaines de manufactures, de taille diverse, rigoureusement spécialisées, dont les unes s’adonnent à la confection des tubes d’acier, les autres aux ponts et aux poutrelles, celles-ci à la tôle, et celles-là aux fers-blancs. Le trust s’élargissait encore ; il achetait et s’annexait en bloc des compagnies entières : l’une pour 50, l’autre pour 150 millions de francs. Quoiqu’il possède en propre 65 mines de fer, il en acquiert et en prend à bail de nouvelles, comme celle du Mesaba Range, propriété du Great Northern Railway, dont la capacité est estimée à 800 millions de tonnes.

Et quoique ses moyens de production accrus, ses cent steamers ou chalands qui sillonnent les grands lacs, ses 800 locomotives et ses 35 000 wagons, lui aient permis de multiplier ses affaires, il se dispose à créer de toutes pièces, sur les bords du