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lac Michigan, une usine modèle et, autour de l’usine, une grande ville que peupleront ses ouvriers. Cette dépense, prévue pour 250 millions, ainsi que l’extension et le rajeunissement des établissemens actuels qui comportent un débours de 300 millions, ont été et continueront d’être payés sur les bénéfices- ; ce qui sera facile sans doute, puisque ces bénéfices ont été de 800 millions de francs l’an dernier et qu’après le paiement des intérêts et des dividendes privilégiés il restait un solde disponible de plus de 500 millions. Il arrive donc que, par de sages méthodes substituées à la gestion imprudente du début, le trust de l’acier est en train d’absorber rapidement sa majoration primitive et ce qui pouvait passer pour un « bluff » devient une réalité.

Au point de vue économique, le trust a servi à la fois les intérêts des consommateurs et des producteurs, puisque, depuis sa fondation, le prix de vente des produits métallurgiques a été abaissé d’environ 20 pour 100 et que les salaires ont au contraire suivi une marche ascendante. Au 1er janvier dernier, le trust gratifiait les 180 000 hommes qu’il emploie d’un salaire moyen de plus de 4 000 francs par tête, et leur a partagé en outre 220 000 actions ordinaires. Ici, comme dans toutes les autres corporations du même genre, chacune des sociétés constituantes du trust continue d’être administrée par un directeur particulier ; mais toutes les affaires importantes, après études sur place, sont examinées au centre par des comités exécutifs et financiers qui ont le dernier mot. Les directeurs des compagnies se réunissent une fois par mois et les comités une fois par semaine. Ce procédé de travail respecte l’initiative particulière et assure l’unité générale de vues.


V

Les États-Unis avaient des richesses infinies avec des bras peu nombreux et partant très chers. Par la concentration des capitaux qui facilite les achats et les ventes, supprime les intermédiaires et spécialise la production, ils tirent le meilleur parti de ces richesses ; par le machinisme ils paralysent le coût très élevé de l’ouvrier.

On constate ce phénomène en apparence paradoxal : l’élévation des salaires a engendré chez eux le bon marché de la main-d’œuvre. L’économie obtenue par une machine est d’autant plus