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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/630

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à l’occasion des récitations épiques qui avaient lieu aux Panathénées. De tout ce qui précède, il ressort clairement qu’à cette date, l’Iliade et l’Odyssée existaient depuis longtemps dans leur entier. Bien plus, on admet aujourd’hui qu’elles étaient déjà écrites. Elles avaient dû l’être par les aèdes ioniens eux-mêmes. Comment s’expliquer alors que ces rédactions antérieures aient été si complètement oubliées ? qu’aucune d’elles n’ait donné naissance à une lignée d’exemplaires, affranchis de l’influence athénienne ? On a voulu rendre compte de ce fait par la prépondérance que prit Athènes après les guerres médiques, par une sorte de monopole du commerce des livres dont elle aurait joui ? Qu’en savons-nous ? Et quelle vraisemblance même y a-t-il dans cette hypothèse ? Pourquoi les autres villes de la Grèce continentale, de la Sicile, de l’Italie n’auraient-elles pas eu, elles aussi, leurs ateliers de copistes et leur commerce de manuscrits ? Et, si elles les avaient effectivement, pourquoi ont-elles toutes, d’un commun accord, copié l’édition athénienne ?

Une seule explication semble possible. Il faut reconnaître que cette édition avait quelque chose de nouveau et qu’en un certain sens, elle était unique au monde. Probablement, c’est que, nulle part ailleurs qu’à Athènes, vers la fin du VIe siècle, on ne trouvait dans le commerce un exemplaire complet et satisfaisant de l’Iliade et de l’Odyssée. Les rédactions qui existaient antérieurement, faites par les aèdes pour leur usage personnel et modifiées à mesure que les poèmes se développaient, étaient le plus souvent partielles et discordantes. Telle de ces rédactions s’en tenait à un état déjà ancien du développement et n’était plus au courant. Telle autre s’était plus ou moins embrouillée dans les variantes, les additions et les remaniemens survenus d’âge en âge. On tombait sur des contradictions, des lacunes, des transpositions, des erreurs multiples. L’usage des récitations partielles, qui se perpétuait, tendait à augmenter cet émiettement. En réalité, vers 550, la constitution d’un texte des anciens poèmes épiques, et particulièrement d’un texte de l’Iliade et de l’Odyssée, tel que celui que nous possédons, était une tâche difficile, qui dépassait les forces d’un homme isolé. Elle ne put être réalisée que dans une ville importante, probablement à grands frais, grâce à la volonté d’un chef d’Etat puissant, qui avait au loin des relations et des moyens d’influence et par le concours d’un groupe de travailleurs qu’il animait de