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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/633

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et à prendre celui de la duchesse de Bourbon. On se hâta au reste de mettre fin à cette situation pénible, et, l’après-dinée, le corps du Duc de Bourgogne fut transporté, sans cérémonie, à Versailles. Pendant ce transport, le Roi se promena dans les jardins de Marly, et, le soir, il rentra dans son appartement.

Le lendemain, les chirurgiens firent, à Versailles, l’autopsie du corps du Duc de Bourgogne sur les constatations de laquelle nous reviendrons. Ils en retirèrent le cœur qu’on embauma et qu’on déposa auprès de celui de la Dauphine, afin de les porter tous deux ensemble au Val-de-Grâce. Le corps fut ensuite mis dans le cercueil, et le cercueil placé sur la même estrade que celle où était déjà le cercueil de la Dauphine, « spectacle nouveau et si affreux, ajoute Breteuil dans son Journal, que ceux qui, comme moy, ont eu la douleur de le voir ne peuvent y penser sans en frémir[1]. »

Le soir de ce même jour les deux cœurs furent transportés au Val-de-Grâce, et immédiatement surgit une question d’étiquette que le Roi dut trancher. L’abbé Morel, aumônier de quartier du Roi auprès du Duc de Bourgogne, prétendit que c’était à lui de porter le cœur de la Duchesse de Bourgogne, la maison du Dauphin devant marcher avant celle de la Dauphine. Mais l’évêque de Senlis, premier aumônier de la Dauphine, ayant déjà été désigné par le cardinal de Janson, grand aumônier, pour cette fonction, le Roi ne voulut pas revenir sur cette décision ; il fut cependant fait mention sur le registre des cérémonies que « cela ne s’étoit fait que par un ordre particulier du Roi. » Louis XIV dut également désigner le prince et la princesse qui accompagneraient les cœurs. Celui de la Duchesse de Bourgogne aurait dû être porté par la duchesse d’Orléans ; mais celle-ci s’excusa sur son extrême affliction, car elle portait une tendre affection à sa nièce. La grande-duchesse de Toscane, sa grand’tante, qui était retirée à l’abbaye de Montmartre, et qui aurait dû remplacer la duchesse d’Orléans, répondit « qu’on ne songeoit à elle que pour les cérémonies funèbres, que puisqu’elle n’étoit point des plaisirs de la Cour, elle n’en devoit pas avoir les

  1. Le Journal inédit du baron de Breteuil, qui partageait avec Sainctot les fonctions de maître des cérémonies, se trouve à la Bibliothèque de l’Arsenal. Ce Journal comprend sept volumes, dont la publication présenterait beaucoup d’intérêt, car Breteuil entremêle le récit des cérémonies auxquelles il a présidé de commentaires et de réflexions souvent piquantes.