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pincettes qu’aucun bout ne s’écartât, et de ne point quitter la cheminée qui tout ne fût consumé. Saint-Simon était sauvé[1].

Les récits de Saint-Simon ont toujours besoin d’être contrôlés. Il ne paraît pas que les choses se soient passées d’une façon aussi simple et aussi expéditive, et, soit qu’il y eût une autre cassette au dépouillement de laquelle Beauvilliers n’aurait pas assisté, soit que, du récit de Beauvilliers, Saint-Simon n’ait retenu ou rapporté que ce qui le concernait personnellement, nous savons par une lettre de Mme de Maintenon que le Roi n’aurait pas été aussi complètement dupé. Il aurait su parfaitement que la cassette du Duc de Bourgogne contenait autre chose que du fatras. Les mémoires de Fénelon, en particulier, ne lui auraient pas échappé. Voici, en effet, ce que, le 15 mars, Mme de Maintenon écrivait à Beauvilliers : « Pour vous mettre l’esprit en repos, monsieur, j’ai tiré des copies de tous vos écrits et je vous renvoie le tout, sans exception. On vous auroit gardé le secret, mais il peut arriver des occasions qui découvrent tout. Nous venons d’en faire une triste expérience. Je voulois vous renvoyer tout ce qui s’y est trouvé de vous et de M. de Cambray, mais le Roi a voulu le brûler lui-même. Je vous avoue que j’y ai eu grand regret, car jamais on ne peut rien écrire de si beau ni de si bon, et si le prince que nous pleurons a eu quelques défauts, ce n’est pas d’avoir reçu des conseils trop timides, ni qu’on l’ait trop flatté. On peut dire que ceux qui vont droit ne sont jamais confondus[2]. »

Malgré ce que cette lettre a d’un peu obscur, en ce qui concerne particulièrement les écrits de Beauvilliers dont Mme de Maintenon aurait tiré copie et qu’elle lui aurait renvoyés, tandis qu’en même temps elle dit que le Roi aurait tout brûlé, néanmoins il en ressort avec évidence que Louis XIV avait pris connaissance des avis adressés à son petit-fils par Fénelon et par Beauvilliers lui-même, et qu’il n’y avait rien trouvé qui lui eût déplu. Ceux qui vont droit : sans doute c’est à Beauvilliers plutôt qu’à Fénelon que, dans la pensée de Mme de Maintenon, s’appliquait ce juste hommage rendu au fidèle ami du Duc de Bourgogne avec lequel elle s’était remise en bons termes et dont la rapprochait encore une commune douleur.

Parmi ces papiers, s’était trouvé également le projet d’un

  1. Saint-Simon. Édition Chéruel de 1857, t. X, p. 134.
  2. Madame de Maintenon d’après sa correspondance authentique, t. II, p. 302.