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feroit le repos et la douceur de sa vie ; quelle n’a, jusqu’à présent, osé comme fille ; mais qu’elle supplie Sa Majesté d’agréer qu’elle le fasse ; qu’elle a un pressentiment qu’elle y réussiroit ; quelques larmes à propos, ou quelques témoignages d’attendrissement naturel ne gâteroient rien ; qu’elle supplie le Roi de l’aider à se conduire dans ce dessein ; qu’elle sait que son père n’est pas content de l’Empereur, et enfin obtenir du Roi la permission d’écrire une lettre qu’elle a en tête de faire, qui ne compromettra ni Sa Majesté, ni elle-même et qu’elle le priera de corriger[1]. »

Soit que la Duchesse de Bourgogne n’ait pas eu le courage d’ouvrir la conversation avec le Roi, soit que celui-ci ne l’ait pas autorisée à entamer ainsi une négociation indirecte, il ne parait pas qu’il ait été donné suite à l’affaire. En effet, la lettre de la Duchesse de Bourgogne que nous avons publiée est antérieure à ce mémoire[2]et les Archives de Turin, où tout était fidèlement conservé, ne contiennent aucune lettre de la Duchesse de Bourgogne à Victor-Amédée qui se rapporte à cette date. Faut-il cependant, comme on l’a voulu, chercher la confirmation de l’accusation portée par Duclos dans certaine phrase d’une lettre adressée par Mme de Maintenon au duc de Noailles. « Je pleurerai toute ma vie Mme la Dauphine, lui écrivait-elle, le 1er avril, mais j’apprends tous les jours des choses qui me font croire qu’elle m’auroit donné de grands déplaisirs. Dieu l’a prise par miséricorde[3]. » Qu’est-ce que Mme de Maintenon entendait exactement par cette phrase un peu dure ? Est-ce au soupçon de trahison qu’elle fait allusion ? Mais, en ce cas, elle ne se serait pas servie d’un mot aussi faible que celui de déplaisirs. Il est probable que, depuis la mort de la Duchesse de Bourgogne, elle avait appris certaines choses que, jusque-là, elle avait ignorées. Peut-être avait-elle trouvé dans la cassette les lettres que la Princesse avait eu autrefois tant de peine à retirer des mains de Mme de Maulevrier et qu’elle aurait eu l’imprudence de conserver par ce sentiment qui rend chers à plus d’une femme les souvenirs d’un passé qu’elle se reproche, sans parvenir à le regretter. Peut-être les langues s’étaient-elles lâchées, et certaines vengeances

  1. Lettres du maréchal de Tessé publiées par le comte de Rambuteau, p. 346.
  2. Le Mémoire de Tessé ne porte point de date, mais, dans le recueil de sa correspondance, il est intercalé entre une lettre du 10 février et une lettre du 27 avril 1711.
  3. Madame de Maintenon d’après sa correspondance authentique, t. II, p. 307.