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bâton garni d’un crêpe. Le maître d’hôtel ordinaire et les autres maîtres d’hôtel le suivaient. Chacun remit son bâton entre les mains d’un des hérauts d’armes qui se tenaient à l’entrée du caveau. Le roi d’armes continua :

« Monsieur le marquis d’O, qui faites la fonction de premier écuyer de Madame la Dauphine[1], apportez son manteau à la Royale. » Le marquis d’O apporta le manteau.

« Monsieur le maréchal de Tessé, qui faites la fonction de chevalier d’honneur de Madame la Dauphine, apportez la couronne. » Tessé déposa la couronne, puis, se tournant vers ceux qui l’avaient précédé, il dit à haute voix : « Madame la Dauphine est morte. Messieurs les officiers, vous pouvez vous pourvoir. Nous n’avons plus de charges. » « Après quoy le roy d’armes répéta deux fois à haute voix : « Très haut, très puissant et très excellent prince, Monseigneur Louis Dauphin, et très haute, très puissante, très vertueuse princesse Marie-Adélaïde de Savoie sont morts. Priez Dieu pour leurs âmes[2]. »

La cérémonie, qui avait duré six heures, était terminée. La foule émue s’écoula lentement, et personne ne doutait que les deux cercueils confiés au caveau qui, depuis Hugues Capet, recevait la dépouille des princes de la maison de France, n’y dussent demeurer environnés d’honneurs et de respect : donec veniat immutatio, jusqu’au jour du changement, comme disent les inscriptions de nos vieilles cathédrales.


VII

Le lendemain de cette cérémonie, Beauvilliers, fatigué, triste, atteint déjà du mal qui devait, avant deux ans, le conduire au tombeau, vit entrer à Versailles, dans son appartement, Saint-Simon qui, l’embrassant, lui dit : « Vous venez donc d’enterrer la France. » « Il en convint avec moi, ajoute Saint-Simon. Hélas ! s’il étoit au monde, combien plus en seroit-il persuadé aujourd’hui[3] ! »

Avaient-ils tous deux raison ? Ceux-là chez qui le

  1. Dangeau, étant malade, était suppléé dans ses fonctions de chevalier d’honneur par Tessé que d’O suppléait dans les fonctions de premier écuyer.
  2. Mercure de France, avril 1712, passim.
  3. Saint-Simon. Édition Chéruel de 1857, t. X, p. 190. Nous rappelons que Saint Simon écrivit ses Mémoires dans les dernières années de sa vie.