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avec l’Église romaine, il était bon de lui appartenir ; que, pour savoir l’écouter et la comprendre, il était utile d’être de longue date familier avec son langage ; et qu’en remettant à des bureaucrates catholiques le soin de le représenter vis-à-vis de l’Eglise, l’Etat prussien préviendrait les malentendus. Aulicke, député catholique à la Chambre berlinoise de 1848, dirigea la « division catholique, » de 1846 à 1865, avec autant de dévouement à l’Eglise que de loyauté à l’endroit de l’Etat. Il ne tint pas à lui qu’en 1859 on ne lui adjoignît comme conseiller le grand orateur catholique Mallinckrodt ; mais l’éclat même de ce nom fut un sujet d’inquiétude pour le ministère, et le poste vacant fut confié à un autre fonctionnaire, moins belliqueux, mais non moins pieux, Joseph Linhoff. Lorsque mourut Aulicke en 1865, un magistrat de Bromberg, excellent catholique aussi, et que d’aucuns accusaient même de sympathie pour le polonisme, Kraetzig, lui fut donné comme successeur.

On peut, à travers le XIXe siècle, épier dans les divers pays les innombrables attitudes, nuancées, complexes, changeantes, qu’observèrent respectivement l’Eglise et l’Etat : chez aucun peuple, à aucun moment du siècle, on ne rencontre une institution semblable à cette « division catholique. » Il y eut des pays et des heures où l’Église trouvait en face d’elle, comme chargés d’affaires de l’État, des agens provocateurs, guettant avec une adroite malice le lent échauffement des passions religieuses, pour justifier ensuite les représailles de la puissance laïque. Préposés aux rapports entre les deux pouvoirs, ils semblaient mettre tous leurs soins à concerter les divers actes d’une brouille, jusqu’à ce que, victimes de leur propre succès, ils vissent s’effondrer leur fauteuil directorial parmi les ruines mêmes qu’ils avaient semées. L’Église, plus communément, rencontrait un autre genre d’interlocuteurs. Catholiques fort corrects, fidèles à la messe du dimanche, et s’y rendant même parfois avec de gros livres que peut-être ils avaient hérités de quelques ancêtres jansénistes, ils incarnaient surtout l’esprit légiste, croyaient n’être loyaux envers l’Etat que s’ils arboraient avec quelque pédanterie les traditions et les précédens des vieux Parlemens. Subtilement pointilleux, doctement chicaniers, ils voulaient que l’État gardât son « quant à soi » vis-à-vis de Dieu ; et leur observance personnelle des préceptes religieux ne les empêchait point, en tant que fonctionnaires, de traiter avec