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l’Église comme avec une partie adverse. Les Aulicke, Les Linlioff, les Kraetzig, ne répondent ni à l’un ni à l’autre de ces deux portraits. Le roi protestant qui les appointait était sincèrement désireux qu’aucune des deux Eglises n’eût à se plaindre. Si la Catholique se disait mécontente, c’était pour lui une contrariété ; si la Protestante murmurait, il éprouvait alors un peu plus que de l’ennui, presque du remords. Il appartenait à la « division catholique » de garantir la paix religieuse et la sérénité d’humeur de l’État : c’était sa besogne. Il ne s’agissait point, pour elle, de surveiller ou de contenir les progrès de l’Eglise et d’être prompte à les qualifier d’empiétemens ; elle avait un rôle plus élégant, plus utile aussi. Bismarck, plus tard, accusa les membres de cette « division » de s’être transformés de sujets catholiques du Roi en légats du Pape. La boutade était trop malveillante pour être véridique ; mais, s’il voulait dire que le jeu même des circonstances avait amené ces bureaucrates à s’improviser diplomates, il n’avait pas tort. C’est auprès des membres de la « division catholique » que les évêques de Prusse tâtaient le terrain pour savoir ce qu’ils pouvaient demander à l’Etat, et sous quelle forme ils devaient le demander, et ce qu’il serait opportun de dire, opportun de taire. Des catholiques, des rhénans surtout, avaient peine, parfois, à deviner l’état d’esprit du vieux protestantisme prussien, tout comme il était malaisé pour un pouvoir évangélique de comprendre ou d’interpréter les paroles ou les réticences catholiques : la phraséologie, de part et d’autre, risquait d’être différente. La « division catholique » ressemblait à un bureau de traduction, qui expliquait à l’État ce que voulait l’Église, à l’Eglise ce que pouvait l’Etat : bureau correct et sûr, où siégeaient des gens fort habiles, et dont tout le travail reposait sur cette unique maxime que pour préparer la paix il faut vouloir la paix. Lorsque Bismarck, quelques années après, voudra déchaîner le Culturkampf, il commencera par supprimer la « division catholique » en chargeant le pauvre Kraetzig de toutes sortes de méfaits ; il accusera cet organe d’avoir toujours dupé l’État. Frédéric-Guillaume IV, au contraire, avait trouvé, jusqu’à son dernier jour, que la « division catholique » le servait très bien.

C’est qu’il avait un sincère désir d’éviter les difficultés et les crises, et tandis que dans chaque province les « gens du roi » causaient de l’inquiétude aux catholiques, le Roi lui-même leur