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paroisses catholiques dont les biens, confisqués par la Révolution française, avaient passé entre les mains de l’Etat prussien, n’étaient pas plus richement subventionnées par l’Etat que les paroisses protestantes de la même région qui n’avaient pas été victimes des mêmes spoliations. Eberhard voulait qu’en conséquence la Prusse accordât des subsides, sur la rive gauche du Rhin, à soixante et une paroisses catholiques. En 1854 et 1855, la Chambre émit un vote en ce sens ; mais le gouvernement, rétif à ce genre de dépenses, n’inscrivit au budget que six paroisses catholiques nouvelles. Deux ans après, Otto, du haut de la tribune, renouvelait encore ses revendications contre les privilèges pécuniaires accordés au culte évangélique par l’Etat évangélique, lorsqu’un coup d’apoplexie le terrassa ; et ce fut une grande perte pour la fraction que celle de cet excellent debater, mort à la tribune confesseur de la « parité. »


V

Le 8 novembre 1858 une allocution du prince Guillaume[1], régent depuis un mois, désavoua formellement les théories intolérantes qui représentaient l’Etat prussien comme évangélique en son essence : entre la cour de Berlin et le parti de la Gazette de la Croix, la rupture était accomplie. Le Preussische Wochenblatt, journal de Hohenzollern, président du conseil, qui était un catholique, professait que la Prusse, au lieu de se présenter comme « évangélique, » devait mettre à sa base la parité des confessions : le trône de Berlin cessait de s’appuyer exclusivement sur l’autel du Dieu de Luther. On insinua, en haut lieu, que l’existence d’une « fraction catholique » dans le Parlement

  1. Les catholiques avaient d’assez bonnes raisons de n’être point inquiets de l’avènement du futur empereur Guillaume Ier. Le nouveau prince régent avait assisté, sans aucune gêne, au mariage catholique de la princesse Stéphanie de Hohenzollern. Un des premiers actes de son gouvernement était la nomination d’Auguste Reichensperger à Berlin, et c’est en toute franchise que Geissel, écrivant à Louis de Bavière, se disait satisfait des dispositions de Guillaume. On savait, au surplus, la sympathie de la princesse Augusta pour les congrégations catholiques. Mais lorsqu’on apprit que Bunsen était fait baron, qu’il était appelé à la Chambre des Seigneurs, les anxiétés s’éveillèrent. Le personnage qu’honorait ainsi la couronne avait consacré sa vie de diplomate à brouiller la Prusse avec le Saint-Siège et à fédérer par-dessus les frontières les Églises évangéliques issues de la Réforme, quelle que fût leur nationalité, leur nuance et leur foi. Rome, au XIXe siècle, connut peu d’adversaires aussi dangereux que lui.